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SÉANCES DU JEUDI 12 JUIN 1997 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 12 JUNI 1997 |
Reprise
Hervatting
M. le président. Mesdames, messieurs, nous reprenons la réponse du Premier ministre à la demande d'explications de M. Jonckheer.
La parole est au Premier ministre.
M. Dehaene, Premier ministre. Monsieur le président, par rapport à ce qu'a dit M. Busquin, nous avons eu, au cours des discussions avec le ministre des Affaires étrangères, l'impression, à un moment donné, qu'il y avait un frémissement du côté de la Grande-Bretagne. J'espère toujours que quelque chose bougera. J'ai eu une prise de position assez claire de la part de M. Blair, lorsque je l'ai rencontré à Londres.
En ce qui concerne la fiscalité, des propositions sont avancées. Celles-ci concernent surtout la fiscalité indirecte, voire écologique, et nous essayerons de les faire admettre. Je reconnais que l'extension de la majorité qualifiée n'ira probablement pas aussi loin que nous le souhaitions, mais nous poursuivrons nos efforts en ce sens à Amsterdam.
Par rapport à la P.E.S.C., je suis plus positif sur les résultats obtenus quant à la prise de décision et à son organisation, ce qui permettra de travailler de façon plus efficace.
Quant au volet Défense, l'intégration des tâches « Petersberg » est fort importante. Nous poursuivrons notre effort d'intégration de cette perspective dans le cadre de l'U.E.O., telle qu'elle a été proposée par six pays et par le parlement de l'U.E.O. Il s'agira d'un des points importants du Sommet d'Amsterdam. Je souligne cependant qu'il ne faut pas sous-estimer les étapes décrites dans le texte de l'U.E.O. Le premier stade est acquis mais pour certains pays je pense à la Finlande et à la Suède cette procédure n'est pas évidente. Ces pays n'excluent pas la dynamique, mais jusqu'où pouvons-nous les entraîner par rapport à ce qu'ils peuvent défendre à l'égard de leur parlement ? Il s'agit d'un facteur dont je tiens compte.
En ce qui concerne le troisième pilier portant sur la justice et la police, j'espère, et j'ai reçu certaines indications en ce sens à Londres, qu'un compromis historique pourra être pris entre la problématique spécifique des îles lesquelles seraient reconnues en tant que telles dans le Traité et non sous la forme d'un opt out, dont M. Blair, et je le comprends, ne veut pas et l'organisation sur le continent de la problématique de l'immigration, des visas et autres. Les textes qui ont été déposés en cette matière par la présidence sont acceptables et nous les défendrons.
Quant à la problématique spécifique et fort délicate du droit d'asile, les textes y relatifs sont en constante évolution. Il n'y a pour l'instant aucun texte définitif mais les projets successifs qui ont été élaborés vont dans le bon sens. Nous devons veiller à ce que le droit d'asile ne soit pas érodé et à ce que toute disposition en la matière soit compatible avec la Convention de Genève sur les réfugiés, et particulièrement avec le principe de l'examen individuel obligatoire de toute demande.
L'élaboration d'une entité juridico-politique, telle que la souhaite l'Union européenne, implique certaines conséquences. Ainsi, il faut accepter que des modalités particulières d'application soient prises afin de répondre à l'objectif de création, au sein de l'Union européenne, d'un espace de liberté et de justice global. Les demandes émanant des pays concernés doivent pouvoir être traitées de manières différentes, dans le respect de la convention. C'est l'équilibre difficile qu'il nous faut atteindre. Nous devons bien nous rendre compte que, dans les faits, notre commissaire applique déjà des différences en cette matière. Je suis conscient que cette problématique est fort délicate. Il faut aussi penser aux conséquences que peut avoir la création d'un espace judiciaire et d'un espace politique au sein de l'Union européenne, dont ne pourraient faire partie que les États qui répondent à un certain nombre de critères fondamentaux en matière de démocratie. Il sera même prévu dans le Traité que les pays qui ne respecteraient pas ces critères ne pourraient pas rester membres de l'Union européenne.
Je formulerai encore quelques remarques à propos de points spécifiques avant d'aborder la problématique des aspects institutionnels et décisionnels. La présidence néerlandaise publiera aujourd'hui une version remaniée de son document, dans lequel se trouveront reflétés la dernière phase des négociations et les points qui sont actuellement en discussion.
Je confirme à M. Jonckheer qu'un texte de la présidence n'est pas nécessairement un texte sur lequel il y a accord. Le rôle de la présidence consiste à faire avancer les choses et je dirai qu'à cet égard, la présidence néerlandaise a fait preuve d'efficacité. Lors de la dernière phase de la négociation, on a abouti à de nouveaux textes qui vont dans le bon sens en ce qui concerne les services publics. Le rôle d'avis du Comité des régions est renforcé et les matières sur lesquelles il peut être consulté sont fortement élargies.
Par ailleurs, un texte fort important en matière d'usage des langues a été élaboré et j'en cite ici un passage en anglais : « Every citizen of the Union may write to any of the institutions or organs mentioned in this article or in article four, in one of the languages mentioned in article 2.4.8. and have an answer in the same language. » En d'autres termes, tout citoyen pourra s'adresser aux institutions et en recevoir une réponse dans sa langue pour autant qu'il s'agisse d'une des langues de la Communauté. Cet élément renforce la notion d'égalité des langues au sein de la Communauté.
L'aspect le plus problématique à mes yeux est certainement celui des décisions et des institutions. Au départ, l'approche de la Conférence intergouvernementale était double : d'une part, le Traité prévoyait l'organisation de cette conférence car certains États membres avaient estimé à Maastricht que l'on n'était pas allé assez loin et, d'autre part, la préparation de l'élargissement est venue s'ajouter à cette première problématique.
Pour ce qui est du premier objectif, on constate aujourd'hui que l'on peut progresser sur un certain nombre de points et qu'il est important d'engranger de nouveaux acquis, tout en étant conscient que l'on n'arrivera pas cette fois au bout du chemin.
En revanche, je suis moins sûr qu'au niveau décisionnel, nous puissions aller suffisamment loin que pour envisager l'élargissement sans hypothéquer le fonctionnement des institutions. Une réflexion s'impose à cet égard. Nous commettrions à mon sens une erreur politique si, dans la cadre de la Conférence intergouvernementale, nous n'entamions pas les négociations relatives à l'élargissement. Néanmoins, comme elles dureront un certain temps, peut-être devrons-nous rediscuter d'un certain nombre de dispositions, quant à la composition des institutions avant d'accepter l'entrée d'un nouveau pays membre.
En conclusion, monsieur le président, nous sommes face à un défi très important. Si nous parvenons à le relever, nous permettrons à l'Europe d'accomplir un important pas en avant. Une évaluation sera indispensable. Toutefois, il faudra se garder, en raison du retard pris en la matière, de céder à la tentation du blocage, lequel ne pourrait mener qu'à l'immobilisme.
En ce qui concerne l'Union monétaire, il me semble capital que nous puissions approuver l'ensemble de son cadre législatif à Amsterdam.
Il serait totalement inopportun de nous préoccuper de l'état d'avancement des autres pays par rapport aux critères de Maastricht. Nous effectuerons des comparaisons au moment opportun.
Enfin, il est clair que le pacte de stabilité constitue une exécution du Traité existant, par rapport aux critères à respecter après le démarrage de l'Union monétaire. Les articles 102a et 103 sont un corollaire de cela, en termes de politique économique et sociale. Il serait utile notre ministre des Finances a toujours défendu ce point de vue , de disposer de spécifications précises par rapport à ces deux articles. Si la demande française consiste à élaborer un texte qui spécifie les procédures des articles 102a et 103 par rapport à la coordination des politiques économiques, nous y collaborerons activement et nous sommes même demandeurs en la matière.
Je ne comprends pas la polémique qui a surgi entre la France et l'Allemagne au sujet du soi-disant gouvernement économique. J'ai d'ailleurs indiqué à M. Kohl que l'autonomie de la banque nationale allemande, la Bundesbank, n'a jamais empêché son gouvernement de pratiquer une politique économique. De même, personne n'a jamais estimé que l'autonomie de la Bundesbank était mise en cause. Je ne vois dès lors pas comment l'autonomie de la banque européenne pourrait être mise en cause si une instance et un règlement prévoyaient la façon de coordonner nos politiques économiques. Tout cela est très logique et conforme à l'esprit qui régnait à Maastricht; de plus, cela se passe au moment où l'on détermine le cadre juridique de l'Union monétaire. Il faut agir rapidement, car si ce n'est pas le cas, les conséquences peuvent être dommageables. J'espère que les Français se rendront compte que si la satisfaction du souhait de l'électeur est importante, le fait d'agir sur le plan économique l'est tout autant. J'insiste donc pour que nous concluions rapidement à Amsterdam.
Bien entendu, monsieur le président, dès le lendemain de ce sommet, nous serons à la disposition du Parlement pour évaluer ces conclusions.
M. le président. La parole est à M. Jonckheer.
M. Jonckheer (Écolo). Monsieur le président, je remercie le Premier ministre de sa réponse.
Je ferai trois remarques, monsieur le Premier ministre. Tout d'abord, à aucun moment, vous n'avez évoqué le rôle du Parlement européen. Or, selon les textes de la présidence, cette institution risque de se retrouver dans une situation de statu quo ou tout au plus de légère progression.
Je voudrais revenir sur la question du droit d'asile. Vous justifiez votre position en disant que nous sommes dans un espace politique. Si tel est le cas, c'est un argument supplémentaire pour exiger que le Parlement européen, lequel est une institution politique par excellence, ait davantage qu'un pouvoir de consultation.
Par ailleurs, vous avez été assez évasif sur le mécanisme de déclenchement des coopérations renforcées. À cet égard, si nous n'obtenons pas un changement des règles de vote, notamment sur l'unanimité dans les matières fiscales, il est clair que le processus auquel vous avez fait allusion à plusieurs reprises, soit un accord entre quelques-uns au sein de l'Union, suppose une majorité qualifiée. Or, sur ce point, aucun accord n'a été dégagé. Certains gouvernements s'obstinent et veulent conserver l'unanimité dans des domaines où la majorité qualifiée est souhaitable.
Enfin, soit le ministre des Affaires étrangères soit vous-même aviez promis une note politique sur l'élargissement, après la réunion d'Amsterdam. Je vous rappelle cet engagement pris. C'est avec intérêt que mes collègues et moi-même nous prendrons connaissance de ce document.
M. le président. La parole est à M. Busquin.
M. Busquin (PS). Monsieur le président, M. Dehaene a bien fait la distinction entre les partis, d'une part, et les gouvernements, d'autre part. Je voudrais néanmoins attirer son attention sur l'aspect tout à fait positif de la politique de l'emploi qui a été élaborée à notre initiative. Cependant, il me revient qu'un amendement déposé par l'Allemagne vidait un peu cette politique de l'emploi. J'espère donc que cet amendement ne sera pas mieux traité que celui de M. Blair.
M. Dehaene, Premier ministre. C'est l'évidence même.
M. le président. La parole est à Mme Bribosia.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Monsieur le président, je voudrais remercier le Premier ministre de sa réponse dénuée de toute langue de bois.
J'ai noté qu'en ce qui concerne l'élargissement, la procédure sera entamée dans six mois, même en l'absence d'avancée institutionnelle. Par ailleurs, la suite du processus devra être revue, je m'associe à la demande de M. Jonckheer de disposer rapidement de cette note relative à l'élargissement.
Nous ne sous-estimons pas les avancées qui sont faites dans le texte consolidé sur l'égalité entre les hommes et les femmes, mais nous constatons une impossibilité totale de faire exprimer un principe aussi évident. En effet, nous n'arrivons pas à le faire figurer dans l'article F et nous ne parvenons pas à avoir un article 6 avec effet direct.
En ce qui concerne l'article 6A, nous demandons une simple scission mais nous ne l'obtenons pas non plus. Je regrette que les femmes ne soient pas plus nombreuses au sein du Conseil européen pour déplorer la rédaction actuelle de cet article 6A.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.