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SÉANCE DU JEUDI 27 MARS 1997 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 27 MAART 1997 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Bribosia au ministre de l'Emploi et du Travail sur « deux propositions de directives européennes concernant l'égalité des femmes et des hommes ».
La parole est à Mme Bribosia.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Monsieur le président, le Conseil des ministres « Travail et Affaires sociales » de l'Union européenne se réunit le 17 avril à Luxembourg. L'ordre du jour comprend deux propositions de directives sur lesquelles je désire interroger Mme la ministre de l'Emploi et du Travail.
La première directive concerne l'aménagement de la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe. La Belgique compte-t-elle défendre l'incorporation des directives sécurité sociale 79/7/C.E.E. et 86/378/C.E.E. dans le champ d'application de cette directive ? Quelle est la position de la Belgique concernant les éventuels cas d'exception à l'application du principe ?
La seconde directive tente de modifier la directive 76/207/C.E.E. relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail. Il s'agit du suivi de l'arrêt Kalanke de la Cour de justice des Communautés européennes qui a jugé que la directive 76/207/C.E.E. dont je viens de parler s'oppose à des mesures d'action positive qui « garantissent la priorité absolue et inconditionnelle aux femmes ».
Quelle a été la position de la Belgique sur la nouvelle directive lors des travaux au sein du Conseil ?
Pour votre part, madame la ministre, vous avez défendu, avec le ministre Tobback, le projet de loi très volontariste visant à promouvoir la présence équilibrée d'hommes et de femmes dans les organes possédant une compétence d'avis. Pouvons-nous espérer que vous défendrez le principe des actions positives ?
Dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, la Belgique propose une politique de l'égalité qui vise notamment « à encourager et mettre en oeuvre des actions positives destinées à rétablir l'égalité des chances en faveur des personnes se trouvant dans une situation préjudiciable ». Quel accueil cette proposition a-t-elle reçue ?
M. le président. La parole est à Mme Smet, ministre.
Mme Smet, ministre de l'Emploi et du Travail, chargée de la Politique d'égalité des chances entre hommes et femmes. Monsieur le président, j'ai l'honneur de communiquer les informations suivantes à l'honorable membre.
Tout d'abord, en ce qui concerne votre première question, madame Bribosia, la directive que vous évoquez a pour objectif de réglementer la charge de la preuve devant le tribunal sur le plan des discriminations directes et indirectes basées sur le sexe. Toute personne qui estime que le principe de l'égalité des chances n'est pas respecté et que les droits en la matière sont bafoués peut s'adresser au tribunal. Lorsque cette personne fournit le début de la preuve de discrimination, la charge de la preuve revient à la partie adverse qui doit alors prouver que le principe de l'égalité des traitements n'a pas été transgressé.
La directive s'appliquerait aux situations visées par l'article 119 du traité et par les directives relatives à l'harmonisation des législations nationales en matière d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, au congé de maternité et au congé parental.
La discussion porte sur le point de savoir si les directives relatives à la sécurité sociale doivent aussi être incorporées.
Dans la proposition de la commission du 20 septembre 1996, les directives relatives à l'égalité des traitements et en matière de sécurité sociale ont été reprises dans le champ d'application.
La Belgique a marqué son accord sur ce point, mais huit États membres ont marqué leur opposition : le Danemark, l'Allemagne, la Grèce, l'Angleterre, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Autriche et le Portugal.
Au cours des négociations, un compromis a été proposé pour limiter le champ d'application aux directives relatives à la problématique du salaire égal, au congé de maternité et au congé parental. Ce compromis peut recueillir un large consensus, même si certains pays, dont la Belgique, souhaiteraient aller plus loin.
Étant donné que le Parlement européen doit encore formuler son avis vraisemblablement le 7 avril , la discussion n'est pas encore close. Le Parlement européen demandera probablement à nouveau l'insertion de ces directives dans le champ d'application. L'approbation de la proposition de modification figure à l'ordre du jour du 17 avril; vous l'avez d'ailleurs souligné, madame Bribosia.
Étant donné que les négociations sur les amendements du Parlement européen doivent encore débuter, il est possible que ce point soit reporté à l'ordre du jour du 12 juin. D'emblée, je vous le dis : entre rien et le compromis, je choisis le compromis.
J'en viens à la deuxième question relative à la charge de la preuve en ce qui concerne les exceptions à l'application du principe. La proposition actuelle prévoit des cas d'exceptions : d'une part, la procédure extra-judiciaire de nature volontaire, par exemple, la conciliation et, d'autre part, la procédure pénale, parce que l'examen des faits repose sur le tribunal même. Il s'agit d'une reprise de la proposition belge de 1993. La Belgique n'a aucune objection à formuler à ce sujet. Restent bien entendu les raisons objectives pour lesquelles un employeur peut faire des discriminations sur la base du sexe, mais ces exceptions sont prévues dans la loi même.
J'en viens au texte de modification de la directive 76/207/C.E.E. et donc à l'arrêt Kalanke. Je suis en mesure de communiquer les informations suivantes. Deux possibilités existent : inclure l'arrêt Kalanke dans la directive ou considérer que cet arrêt ne justifie pas la modification de la directive. La Commission veut changer la directive en y incluant l'arrêt Kalanke. Nous estimons qu'il s'agit là d'une limitation de la directive et qu'il serait préférable de la maintenir dans son état actuel car elle nous semble laisser une large place à l'initiative. Notre pays défend donc l'idée de son maintien.
Dans le cadre de la conférence intergouvernementale, nous avons défendu le point de vue suivant : l'égalité des chances ne peut pas se limiter au marché du travail; elle doit s'étendre à tous les domaines de la politique sociale. Trois objectifs concrets ont été déterminés : la promotion de la perspective du genre dans tous les domaines politiques et tous les programmes; la mise au point d'actions positives pour promouvoir l'égalité des chances et, enfin, la participation équilibrée à la prise de décisions. L'Union européenne reçoit dans cette optique la compétence de développer une politique d'égalité des chances dans ces trois domaines.
Je propose également que toutes ces décisions puissent être adoptées à la majorité qualifiée. Ma proposition qui a été reprise par le gouvernement belge a été formulée à la C.I.G. sous la forme d'un chapitre distinct après une coordination au niveau du Benelux. Dans le texte du compromis établi sous la présidence néerlandaise qui chapeaute actuellement le groupe de travail qui prépare la C.I.G. sur les droits fondamentaux et la non-discrimination, la Commission est chargée de promouvoir l'égalité entre hommes et femmes, comme dans ma proposition. L'Union européenne est également chargée d'éliminer les inégalités et de promouvoir l'égalité « mainstreaming ».
Dans une nouvelle proposition l'article 119 , le Conseil peut prendre des mesures à la majorité qualifiée pour assurer le principe de l'égalité de traitement et de l'égalité des chances dans le domaine de l'emploi et du travail. Cela signifie que le Conseil reçoit une base juridique pour promulguer les directives européennes. Enfin, on donne aux États membres une base juridique pour mener des actions positives.
Le projet de loi tendant à promouvoir la présence équilibrée de femmes dans les comités d'avis a reçu un vote favorable à la commission des Affaires intérieures de la Chambre. Il doit maintenant être présenté en séance plénière de la Chambre. Dès qu'il aura été voté, il pourra entrer en vigueur, sauf si le Sénat désire l'examiner également.
M. le président. La parole est à Mme Bribosia pour une réplique.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Monsieur le président, je remercie Mme la ministre pour ses réponses bien précises.
Si je comprends bien, la demande générale des femmes de l'inversion de la charge de la preuve sera en partie rencontrée par la position qui va être adoptée. C'est déjà un premier pas.
En ce qui concerne les directives de sécurité sociale, il est regrettable que si peu de pays acceptent de les intégrer, mais mieux vaut un compromis que rien du tout. L'avis du Parlement européen en cette matière pourrait peut-être influencer la position de certains États.
Quant aux actions positives, j'aurais regretté de voir inclure l'arrêt Kalanke dans la directive, ce qui restreindrait beaucoup la portée de cette dernière. Je vous remercie donc de défendre ce point de vue.
Pour ce qui est de la Conférence intergouvernementale, vous annoncez que nous devrions nous prononcer à la majorité qualifiée sur les trois points. C'est très bien, mais l'une de nos revendications consistait à revendiquer un chapitre distinct pour la politique de l'égalité. Je n'ai pas entendu qu'elle était vraiment suivie. Ce n'était toutefois pas le sujet de ma question d'aujourd'hui.
Enfin, si le projet de loi concernant les organes d'avis est voté à la Chambre, je me réjouirais qu'il puisse entrer en vigueur. Nous reparlerons certainement avant le mois de juin de la position de la Belgique à la C.I.G. En effet, les femmes de tous les pays se mobilisent actuellement pour réclamer un article contraignant, c'est-à-dire avec effet direct, interdisant toute discrimination basée sur le sexe.
J'espère que nous pourrons compter sur vous, madame la ministre, pour défendre cette idée.
M. le président . L'incident est clos.
Het incident is gesloten.