1-107 | 1-107 |
Sénat de Belgique |
Belgische Senaat |
Annales des réunions publiques de commission |
Handelingen van de openbare commissievergaderingen |
COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES |
COMMISSIE VOOR DE FINANCIËN EN DE ECONOMISCHE AANGELEGENHEDEN |
SÉANCE DU MARDI 29 AVRIL 1997 |
VERGADERING VAN DINSDAG 29 APRIL 1997 |
M. le président . L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Bribosia au vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications.
La parole est à Mme Bribosia.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Monsieur le président, l'opérateur belge de télécommunications Belgacom se porte bien. Ses résultats pour 1996 sont excellents, dopés par la téléphonie mobile. La filiale Belgacom Mobile qui comptait 410 000 clients fin 1996 contre 236 000 un an plus tôt a aussi progressé.
Le chiffre d'affaires de Belgacom a atteint 138,7 milliards de francs en 1996, soit une hausse de 9,1 % par rapport à l'exercice précédent. Cette croissance s'explique par le boom du mobilophone, la hausse de la redevance de l'abonnement, l'augmentation significative du trafic international et des activités de téléphonie nationale au travers du R.N.I.S.- réseau numérique à intégration de services.
Le bénéfice net consolidé du groupe atteint 13 milliards contre 10,7 un an plus tôt, soit une progression de 21 %. Le bénéfice d'exploitation de 26,7 milliards l'année précédente a, lui, bondi de 30 %.
Depuis plusieurs années, les résultats de Belgacom se trouvent toutefois alourdis par la charge des pensions du personnel statutaire, une charge qui se traduit par un versement de plus de 17 milliards en 1996, ce qui a porté à 63,1 milliards le montant déjà à disposition du fonds qui devrait en bout de course peser 159,9 milliards. Ce fonds constitue un désavantage concurrentiel considérable.
Pour 1997, on s'attend à une nouvelle croissance du résultat, hors résultat exceptionnel.
Cependant, malgré les excellents chiffres enregistrés, l'année 1996 n'aura pas été une année calme sur le plan social pour les 26 000 membres du personnel. Elle a, en effet, été traversée par la mise en place de nouvelles structures - divisions en unités et en districts - et par la perspective du plan social, dont le projet P.T.S. est le centre. P.T.S. signifie People, Teams and Skills , autrement dit la bonne personne à la bonne place avec les bonnes compétences. Négocié avec les organisations syndicales, ce projet P.T.S. devait, durant le premier semestre 1997, identifier les besoins en ressources humaines dans toute l'entreprise, planifier les programmes de formation et de reconversion nécessaires, envisager enfin des mesures incitatives pour favoriser les départs anticipés. In fine , ce projet devait déboucher sur une réduction du personnel au 1er janvier 1998, date-butoir pour la libéralisation complète des télécommunications en Europe. La signature du projet par les syndicats et la direction est imminente, puisqu'elle doit normalement intervenir ce jour même. Belgacom n'a pas attendu l'échéance fatidique pour négocier le virage de la libre concurrence, d'autant que, désormais, seule la téléphonie fixe est encore sous monopole.
À l'heure où Renault cause un traumatisme social, Belgacom semble donner une leçon de dialogue. À l'abri du public, les dirigeants de Belgacom ont négocié avec les représentants du personnel un plan social qui concernerait au total quelque 12 000 personnes. L'objectif est, bien entendu, de renforcer l'entreprise en fonction de la future concurrence.
La priorité devrait être donnée au maintien de l'emploi, ce qui se traduirait par la mise sur pied d'un énorme programme de formation dans le but de « réaffecter » une partie du personnel dans des métiers d'avenir. On a aussi parlé de la création de nouvelles activités; il est souvent question de services de sécurité, ce qui a d'ailleurs fait l'objet d'une demande d'explications voici quinze jours, au sein de cette même commission. Les départs qui auront lieu devraient s'opérer sur une base volontaire, quelque 6 400 personnes de 50 ans et plus devant recevoir une lettre de demande volontaire de prépension.
Le directeur général de Belgacom a levé un coin du voile quant au futur de Belgacom, dans une lettre annoncée par De Standaard ; il y est indiqué qu'à condition de disposer de meilleures méthodes de travail et d'un mode de fonctionnement plus efficient, Belgacom sera suffisamment armé, à la fin de l'année prochaine, face à la concurrence, avec un effectif de 20 000 à 21 500 personnes.
À la suite de ces développements, je voudrais vous poser quelques questions, monsieur le vice-Premier ministre.
Avec la libéralisation qui se produira en 1998, peut-on s'attendre à une diminution des tarifs pratiqués par Belgacom et à une suppression progressive des zones téléphoniques ? Dispose-t-on d'estimations à ce sujet ? Quand on constate la chute des prix entraînée par l'arrivée du deuxième opérateur de téléphonie mobile, le même phénomène pour les activités encore protégées aujourd'hui est-il probable, au risque de poser des problèmes de rentabilité pour Belgacom ?
Peut-on en savoir plus quant à l'impact sur l'emploi de cette libéralisation totale ? Les chiffres cités ci-dessus de réduction de l'effectif d'environ 3 500 à 5 000 personnes sont-ils probables ? Tous les départs nécessaires seront-ils couverts par des départs volontaires à la préretraite ? Est-ce le prix à payer par Belgacom pour rester concurrentiel ? Outre les 6 400 personnes âgées de 50 ans et plus, peut-on avoir une idée de la pyramide des âges du personnel ? À l'heure où l'on remet de plus en plus en question le système de préretraite, n'existait-il pas d'autres solutions ? N'at-on pas trop tardé pour envisager Belgacom dans un environnement concurrentiel ?
Peut-on en savoir plus sur les programmes de formation envisagés, plus particulièrement sur le projet P.T.S., afin de reclasser le personnel ? Quel est le coût du programme P.T.S. ? Ce coût serat-il enregistré sous la rubrique du résultat exceptionnel ?
Peut-on avoir plus d'informations sur la création de nouvelles activités ? Combien de personnes ces activités concerneraient-elles ? Quels secteurs viseraient-elles ? S'agirait-il uniquement des services de sécurité ?
Quelle a été l'évolution de l'emploi dans la filiale Belgacom Mobile ? Quelle est l'évolution prévue ? Pourrait-on y affecter des personnes actuellement employées chez Belgacom ?
Enfin, j'aurais voulu connaître le poids de Belgacom, sur le plan du chiffre d'affaires, de l'emploi, des bénéfices, etc., par rapport à ses concurrents potentiels, par exemple France Télécom, British Telecom, Deutsche Telekom, etc. ?
Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter à toutes ces questions, monsieur le vice-Premier ministre.
M. le président. La parole est à M. Di Rupo, vice-Premier ministre.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord remercier Mme Bribosia de ses questions.
Actuellement, Belgacom se positionne de façon très positive sur le marché belge, et ce en prévision de la libéralisation totale du marché des télécommunications. Voici deux ou trois ans, ce n'était pas encore le cas. La réussite de l'opération de consolidation stratégique a permis d'éviter le pire pour Belgacom : être confronté à la concurrence de France Télécom, Deutsche Telekom, British Telecom, Tele Danmark, etc. Ces sociétés auraient pu s'avérer tellement performantes, en termes de qualité des produits et de prix, que les 26 000 emplois de Belgacom en auraient été tous menacés. Ce spectre a pu être écarté. Je tenais à souligner ce premier succès important.
Deuxième élément : lorsque j'ai pris le dossier en charge, on savait que Belgacom tenant compte du fait qu'il pouvait être « repositionné« , ce qui a été fait était appelé à se séparer d'un certain nombre de membres de son personnel, à savoir le non-corp business.
Vous le savez, chaque entreprise éprouve le besoin de se « repositionner » sur la fonction qu'elle maîtrise le mieux.
Comme nous nous y étions engagés, au moment de la consolidation, il n'y a eu et il n'y aura aucun licenciement.
Vous l'avez signalé, madame, un accord est intervenu entre les syndicats et la direction de Belgacom pour permettre des départs volontaires selon des conditions honorables et satisfaisantes. C'est un exemple du genre, mais il est vrai que Belgacom possède les moyens financiers pour ce faire. C'est aussi une leçon d'anticipation : nous avons oeuvré pour enrayer le cataclysme et négocié avec le personnel pour éviter des difficultés éventuelles. Lesquelles ? Comme le marché sera ouvert à la concurrence, des phénomènes comparables à ceux de Proximus et Mobistar se produiront. Des pressions seront exercées sur le prix des communications internationales dans un premier temps, intérieures ensuite mais dans une moindre mesure afin d'obtenir une baisse des prix, surtout sur l'exploitation du réseau international où s'effectue la rentabilité, l'exploitation du réseau intérieur étant quant à elle déficitaire. Mais pour une série de raisons, il est indiqué de mettre en équilibre chaque segment du marché. On assiste à ce que l'on appelle un rebalancing, autrement dit une pression à la hausse des tarifs nationaux. C'est un phénomène que nous connaîtrons encore pendant un certain temps mais ensuite, nous nous attendons à une baisse généralisée des tarifs.
Un mot encore concernant le prix des communications nationales. Je rappelle que Belgacom est une des rares entreprises à assumer elle-même la totalité du financement des pensions de son personnel. Un fonds des pensions a ainsi été créé. Bien entendu, cette charge implique quelques répercussions sur les prix en général.
Je tiens encore à préciser que le coût du programme P.T.S. est de 1,2 milliard. Sur ce point également, je voudrais souligner la qualité de l'anticipation, Belgacom entendant assurer l'upgrading du personnel restant. Considérons l'exemple d'un jointeur dont le travail consistait jadis à mettre bout à bout des câbles de cuivre. Actuellement, ces câbles ne sont plus utilisés et il convient d'assurer le recyclage des jointeurs, ce qui est possible grâce à cette académie de formation.
Pour terminer, je voudrais me livrer à quelques comparaisons. Pour l'année 1996, le chiffre d'affaires de Belgacom est de l'ordre de 145 milliards. Pour l'année 1995, le chiffre d'affaires de France Télécom était de 883 milliards, soit six fois plus, tandis que celui de Deutsche Telekom s'élevait à 1 220 milliards, soit huit fois plus. Pour l'année 1996, le chiffre d'affaires de British Telecom atteignait 740 milliards et celui de Tele Danmark 110 milliards.
Pour ce qui est du bénéfice exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires, Belgacom se situe dans une moyenne honorable avec 9 %. Pour France Télécom, ce pourcentage est de 7,5; pour Deutsche Telekom, qui connaît quelques problèmes, il est 2,1 tandis que pour la British Telecom, qui est très rentable, il se situe à 12,5.
En ce qui concerne le bénéfice avant intérêt et impôt, exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires, Belgacom se situe à 18,5, France Télécom à 19,9, Deutsche Telekom à 24 et British Telecom à 19,4.
Tous ces chiffres démontrent qu'indéniablement, Belgacom a réussi sa transformation. Certes, tout n'est pas parfait, mais le gouvernement belge a toutes les raisons d'être satisfait et fier. En effet, une entreprise monopolistique, qui était dans une position très menacée par l'ouverture totale des marchés, est devenue aujourd'hui une entreprise à majorité publique, avec des partenaires qui sont parmi les meilleurs au monde. Belgacom a réussi à accomplir une révolution intérieure, sans bruit, avec beaucoup d'efficacité, offrant ainsi de réelles perspectives à l'entreprise elle-même mais aussi à tous nos concitoyens. Dans le monde économique actuel, ce n'est pas mal, et je souligne que dans ce cas, les pouvoirs publics n'ont pas de leçon à recevoir.
M. le président. La parole est à Mme Bribosia.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Monsieur le président, je remercie le vice-Premier ministre qui a répondu à la plupart de mes questions. J'avais toutefois demandé si la libéralisation risquait d'entraîner une diminution des tarifs. Le vice-Premier ministre m'a répondu que c'était probable, surtout pour les communications internationales. Je voudrais savoir si l'on peut également imaginer que cette libéralisation conduira à terme et progressivement à une suppression des zones téléphoniques.
M. le président. La parole est à M. Di Rupo, vice-Premier ministre.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. Monsieur le président, il n'est pas question de supprimer les zones téléphoniques mais celles-ci seront certainement modifiées. Cette modification ira de pair avec l'introduction de nouveaux opérateurs, notamment en téléphonie vocale. Je pense à Télénet, etc.
M. le président. La parole est à Mme Bribosia.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Monsieur le président, les opérateurs qui arriveront sur le marché feront concurrence à Belgacom et exerceront une pression sur cette entreprise, puisqu'ils proposeront des communications interzonales qui auront toutes le même prix. Il n'y aura donc plus de communications interzonales à proprement parler.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. La tarification sera encore discutée. Qu'un seul numéro soit attribué à un nouvel entrant ne signifie pas nécessairement que la tarification ne puisse pas être différenciée selon les zones géographiques.
Mme Bribosia-Picard (PSC). On prétend que la distance ne compte pas.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. Tout élément est pris en compte dans le monde des télécommunications. Chaque signal est comptabilisé. On peut faire tout type de calcul. L'usage de votre téléphone portable, par exemple, permet de connaître l'endroit où vous êtes, l'heure à laquelle vous appelez et la durée de votre appel. Les zones de tarifications peuvent être créées indépendamment des zones de numérotation.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Je comprends.
M. le président. Nous irons, dans ce domaine, de surprise en surprise. Ainsi, aux États-Unis, A.T. and T., M.C.I. et Sprint se livrent une concurrence acharnée pour la segmentation du marché,...
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. M. le président a raison. Au surplus, l'avenir se trouve, pour utiliser un terme à la mode, dans des packages de tarification étudiés au cas par cas. On peut, selon votre profil, madame Bribosia, tarifer votre communication différemment de celle de M. Delcroix.
M. Delcroix (CVP). Les profils de tarification de Mme Bribosia et les miens seraient peut-être comparables.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. M. le président a raison de souligner qu'avec les techniques informatiques, nous verrons l'avènement de choses exceptionnelles que personne ne peut soupçonner.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Il est certain que les zones très reculées du pays sont défavorisées au point de vue de la tarification.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. Cela dépend.
Mme Bribosia-Picard (PSC). C'est pourtant clair.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. Encore faut-il définir l'éloignement. Verviers est plus proche de Cologne que Bruxelles.
Mme Bribosia-Picard (PSC). Oui, mais le coût d'une communication téléphonique à l'intérieur de la Belgique est supérieur à Arlon qu'à Rosières qui est encore dans la zone de Bruxelles.
M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. Tel a été le cas jusqu'à présent. Cela dépendra à mon avis dans l'avenir de l'intensité d'utilisation du téléphone. Je puis vous assurer qu'en tant que ministre chargé de la régulation et tenu à un devoir d'impartialité, j'essaierai dans cette nouvelle constellation tarifaire, d'obliger les opérateurs à fournir des informations claires et précises pour que chacun y souscrive en connaissance de cause. Chaque entreprise aura ensuite la liberté de créer des combinaisons de tarifs.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.