Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-52

SESSION DE 2001-2002

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Défense

Question nº 1913 de M. Kelchtermans du 21 février 2002 (N.) :
Plan statégique pour la modernisation de l'Armée belge 2000-2015. ­ Enveloppe pour le rajeunissement. ­ Exécution.

Le plan stratégique pour la modernisation de l'Armée belge 2000-2015 fait état, à la page 70, d'une « enveloppe de rajeunissement » visant à corriger le déséquilibre fondamental dans la pyramide des âges des Forces armées.

À un moment donné, il y a également eu des projets visant à permettre aux étrangers ou même aux détenus de s'engager dans l'armée.

À ce propos, j'aimerais que l'honorable ministre me donne une réponse circonstanciée aux questions suivantes :

1. Où en est-on précisément aujourd'hui avec cette « enveloppe de rajeunissement » annoncée qui permettrait à 2 200 militaires de bénéficier d'une prime de 600 000 francs pour les encourager à transiter vers des fonctions civiles et à un millier de militaires autour de la quarantaine de recevoir une prime d'un million de francs pour les inciter à quitter les Forces armées ?

2. Quel est le nombre de militaires qui, depuis la publication du plan stratégique du 12 mai 2000, ont quitté l'armée anticipativement ? Combien de démissions y a-t-il eu au cours des dix dernières années ?

3. Est-il exact, comme le prétendent certains « insiders », que par manque de moyens budgétaires suffisants, la Défense reporte la mise en oeuvre de l'enveloppe de rajeunissement dans l'espoir qu'un nombre suffisant de militaires quitteront l'armée anticipativement dans le cadre du plan de restructuration des casernes ? Dans la négative, comment l'honorable ministre explique-t-il donc qu'aucun progrès n'a été accompli dans la mise en oeuvre concrète de cette enveloppe de rajeunissement ?

Réponse : L'honorable membre est prié de trouver ci-après la réponse à sa question concernant l'exécution de l'enveloppe de rajeunissement dans le cadre du plan stratégique.

Pour éviter tout malentendu, je tiens à souligner en avant-propos que l'enveloppe de rajeunissement à laquelle il est fait référence dans vos questions est indissociable d'une exécution correcte du plan stratégique de modernisation de l'Armée belge 2000-2015, et qu'elle en fait intégralement partie. Il est nécessaire, pour une bonne compréhension de ce problème complexe, de remettre l'enveloppe de rajeunissement dans son contexte historique et actuel de manière exacte.

Durant la dernière décennie, l'Armée belge a été soumise à une série de restructurations fondamentales pour différentes raisons. Suite aux modifications géopolitiques une nouvelle restructuration s'imposait. La suite en fut la décision, au cours du Conseil des ministres du 29 mars 1993, en plus de la suspension du service militaire et du passage à une armée professionnalisée, de réduire l'effectif de l'armée de 80 000 (desquels 23 000 miliciens) à 47 500 (42 500 militaires et 5 000 civils). Cette restructuration devait se faire avec un « budget gelé ».

Lors de la réindexation du budget de la Défense en 2000, la répartition en était la suivante : environ 56 % pour le personnel; environ 28 % pour le fonctionnement et environ 15 % pour l'investissement et le rééquipement. Cette situation budgétaire, défavorable en ce qui concerne le maintien opérationnel de l'Armée et plus spécifiquement en ce qui concerne le manque de moyens de modernisation et de rééquipement, a conduit à l'étude du plan de modernisation de l'Armée belge 2000-2015, approuvée lors du Conseil des ministres du 12 mai 2000. Dans ce plan, les dépenses en frais de personnel seront réduites proportionnellement à l'avantage des frais d'investissement et de rééquipement. Pour 2015, la répartition est prévue comme suit : environ 47 % pour le personnel, environ 27 % pour le fonctionnement et environ 26 % pour les investissements et le rééquipement.

Un tel retournement draconien dans un contexte budgétaire strict n'est possible qu'avec une restructuration bien pensée avec une sérieuse diminution de l'effectif (pour un total de 39 500 au 1er janvier 2015). Cette forte diminution du personnel ne sert pas qu'à libérer des budgets au profit des investissements et de la modernisation, mais également pour augmenter l'attractivité de l'armée dans un contexte démographique et économique de plus en plus défavorable. Je tiens à souligner que suite à ce manque d'attractivité, les effectifs au 1er janvier 2000, sur les 47 500 prévus, étaient de 44 550 présents (4 800 officers, 17 450 sous-officiers, 18 500 volontaires et 1 050 élèves).

La manière la plus simple pour réaliser cette diminution de personnel semble être la limitation du recrutement, mesure déjà souvent prise par le passé. Mais la limitation du recrutement a un effet néfaste indéniable sur la pyramide des âges et, de cette manière sur la capacité opérationnelle de l'Armée. Les différents plans de restructuration successifs ont déjà provoqué un sérieux vieillissement de la population militaire, au point qu'un vieillissement de plus pourrait mettre en danger la faculté d'engagement de l'Armée. En ce moment, il est d'une importance capitale de pouvoir maintenir le recrutement à un niveau suffisamment élevé, et éventuellement de favoriser les dégagements volontaires. Dans cette matière, il y a lieu de surveiller de près l'actuelle faculté d'engagement de l'Armée. Des dégagements massifs simultanés parmi les cadres opérationnels pourraient signifier une fin abrupte de la faculté d'engagement; les mesures de dégagement doivent donc être soumises à une étude et un planing précis. Il y a lieu ici, comme vous le faites remarquer à juste titre dans votre troisième question, de tenir également compte des départs volontaires « non encouragés ». Durant la période du 12 mai 2000 jusqu'à maintenant, 635 militaires ont quitté l'armée volontairement de manière prématurée (608 hommes et 27 femmes). Les mesures et les nombres définitifs sont donc actuellement impossibles à déterminer.

Les deux mesures que vous citez cadrent dans ce contexte complexe. La prime incitant au passage vers le nouveau statut des membres du personnel de la Défense nationale à carrière mixte est effectivement une des options intéressantes. Elle ne pourra trouver sa base légale que dans l'actuel projet de statut, en discussion pour le moment entre mon département et les autres départements impliqués. Comme déjà répondu lors d'une autre de vos questions, j'espère pouvoir présenter ce projet au Parlement avant la fin de cette année.

Une éventuelle « prime de dégagement » appartient également aux possibilités, mais ici également nous ne pouvons pas confirmer que cette solution sera retenue, ni quel en sera le montant, ni quel sera le nombre de personnes qui pourraient entrer en ligne de compte.

La Défense ne souhaite pas mettre la charrue devant les boeufs dans ce dossier difficile et prendra des décisions bien pesées en temps voulu, après une étude précise et détaillée.

Enfin, des mesures structurelles ont déjà été prises et le seront encore dans le cadre de l'attractivité de la carrière, par le rattrapage des barèmes des militaires sur ceux des fonctionnements fédéraux.