1-624/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

6 MAI 1997


Proposition de loi sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise

(Déposée par M. Delcroix et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


L'intérêt croissant que portent les gouvernements et les entreprises européens à la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise répond à des évolutions économiques et sociales très spécifiques. Au XXIe siècle, le vieux modèle de l'entreprise, où l'on oppose souvent diamétralement le travail et le capital, où les actionnaires fournissent le capital à risque tandis que les travailleurs louent leurs services moyennant un salaire fixe, sera remplacé par une culture d'entreprise toute nouvelle, dans laquelle les revenus des actionnaires (le capital financier) et des collaborateurs (le capital humain) seront maximisés, où le « maximize shareholder value » sera remplacé par le « maximize stakeholder value ». Dans une telle optique, la participation des travailleurs au capital de leur entreprise (en d'autres termes, l'actionnariat des salariés) est une manière d'envisager l'entreprise qui, dans l'esprit de De Gaulle, Erhard, Long et Delors, notamment, doit s'inscrire dans le cadre d'une conception démocratique de la société. La clé de la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise est la création d'un environnement coopératif, où l'on informe, communique et participe. Dans l'esprit de la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise, on considère celle-ci comme une communauté d'intérêts tant pour ce qui est de la gestion (participation structurelle) que pour ce qui est des résultats. L'entreprise est alors une « assemblée de visages » et non une « société anonyme ».

La présente proposition de loi vise à créer un cadre dans lequel les travailleurs belges, à l'instar de la plupart de leurs homologues européens, puissent participer structurellement dans leur entreprise. Corollairement, les travailleurs pourraient participer aux bénéfices de l'entreprise, réalisés en somme avec le concours de leurs connaissances et de leurs efforts.

Dans les pays voisins, les systèmes de participation aux résultats et au capital connaissent un succès croissant, non seulement parce que les entreprises obtiennent des résultats favorables, mais également parce que l'on a remis en place la sécurité juridique nécessaire et prévu les incitants fiscaux et parafiscaux voulus.

La présente proposition de loi s'inspire de la recommandation européenne du 27 juillet 1992 concernant la promotion de la participation des travailleurs salariés aux bénéfices et aux résultats de l'entreprise (y compris la participation au capital) (Journal officiel des Communautés européennes , 26 août 1992, Nº L 245/53) et des rapports PEPPER I et II qui s'y rattachent. On a plus particulièrement tenu compte en l'occurrence de la législation et de l'expérience en la matière des États membres européens les plus avancés comme la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l'Allemagne.

Les critères de base de la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise ­ repris intégralement dans la proposition de loi ­ peuvent se déduire de la recommandation du 27 juillet 1992 et de son annexe, ainsi que des rapports PEPPER.

Ainsi peut-on dire qu'un régime de participation doit satisfaire au moins aux caractéristiques suivantes.

Il doit être :

1º Un régime interne

Les formules de participation doivent avoir été élaborées au sein de l'entreprise elle-même. Il doit donc s'agir de formules spécifiques de l'entreprise.

2º Un régime collectif

Les formules doivent être proposées à l'ensemble des travailleurs ou à une grande partie d'entre eux. Les primes individuelles, telles que commissions, salaires à la pièce, etc., sortent du cadre d'une formule de participation.

3º Un régime permanent

Les formules doivent avoir un caractère durable, c'est-à-dire être appliquées avec régularité.

4º Un régime lié aux résultats

Les formules de participation doivent être liées de manière directe ou indirecte aux résultats de l'entreprise, ce qui les distingue des rémunérations fixes, auxquelles elles ne peuvent pas se substituer.

Plus explicitement et pour éviter tout malentendu, on peut ajouter que les conditions de base doivent être conçues de manière à préserver aussi bien la structure des salaires que les conditions de travail des collaborateurs. De plus, ces conditions ne peuvent porter atteinte ni à la structure financière de l'entreprise ni au financement classique de la sécurité sociale par le biais de la notion de salaire. Si l'on accorde des incitants fiscaux ou parafiscaux, ils doivent être justifiés d'un point de vue socio-politique, sous le respect des principes démocratiques.

Les avantages de la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise sont légion :

­ Elle favorise une implication et une responsabilisation plus grandes des travailleurs dans l'entreprise (objectif d'association). L'intéressement aux résultats positifs de l'entreprise et/ou à l'augmentation du patrimoine accroît la motivation du personnel (fonction clé du facteur humain dans l'entreprise) et renforce le lien avec l'entreprise. Elle les aide à mieux comprendre le fonctionnement, les objectifs et les prestations de leur entreprise, et influence favorablement la productivité, la rentabilité, la compétitivité et l'emploi. Cet élément sera plus prépondérant encore dans la société de connaissances et de services de demain.

­ La participation des travailleurs salariés dans l'entreprise permet aux entreprises d'attirer et de garder plus facilement une main-d'oeuvre motivée et qualifiée et de mieux se défendre contre la fuite des cerveaux dans un marché unique européen où les normes et les exigences de qualité sont de plus en plus élevées.

­ La participation des travailleurs salariés dans l'entreprise correspond au concept de l'entreprise du XXIe siècle et permet aux jeunes générations de se constituer un patrimoine.

­ La participation des travailleurs salariés dans l'entreprise renforce l'autofinancement et améliore la structure du capital, ce qui doit permettre aux entreprises de réaliser les innovations technologiques, les rationalisations et les restructurations nécessaires, qui sont d'une importance vitale en raison de l'accroissement d'échelle au niveau européen et du renforcement de la concurrence au sein du marché unifié.

­ La participation des travailleurs salariés dans l'entreprise a un effet d'ancrage sur le pouvoir de décision. Il devient plus difficile pour des actionnaires extérieurs de dégraisser ou de liquider des entreprises en bonne santé.

­ La participation dans l'entreprise permet également aux travailleurs d'avoir accès à des informations vitales relatives à l'entreprise. Cet accès à l'information, actuellement réservé à un seul facteur de production ­ le capital ­, favorise la confiance et la motivation. Une mauvaise circulation de l'information entre la direction de l'entreprise et la « base » est souvent ressentie comme démotivante. L'accès à l'information responsabilise les travailleurs, même dans les entreprises peu performantes.

­ La Belgique est à peu près le seul pays où la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise ne soit pas mise en oeuvre à grande échelle. Cette évolution qui se produit à l'étranger (Allemagne, France, États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas) a aussi son importance parce que les entreprises étrangères pratiquant la participation ne peuvent déployer leur système en Belgique (facteur d'implantation négatif).

­ Le fait d'ajouter ainsi, au salaire de base fixe, un élément de gratification lié aux résultats accroît la valeur nette actuelle (net present value ) du revenu présent et à venir des travailleurs, sans charges salariales supplémentaires. Cette formule prévient tout dérapage des salaires et préserve la compétitivité de l'entreprise.

Favoriser la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise sert donc aussi bien des objectifs socio-politiques que des objectifs micro-économiques et macro-économiques. En fonction du nombre d'entreprises qui recourra au système et de la formule choisie, ces objectifs auront plus ou moins de poids dans la pratique.

Comme cette évolution est européenne, la Belgique ne peut se permettre de rester à l'écart ou à la traîne et la nécessité se fait sentir d'un cadre légal permettant aux entreprises d'élaborer et de mettre en application des formules facultatives, dans certaines limites et à certaines conditions.

L'insécurité juridique qui prévaut actuellement en Belgique entrave en effet le développement de formules de participation des travailleurs salariés dans l'entreprise dans notre pays. La Belgique doit saisir l'occasion qui s'offre à elle de se profiler comme un partisan actif de la démocratisation de l'entreprise.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

TITRE Ier

Définitions et champ d'application

La présente proposition de loi ne contient pas, outre son article 23, de dispositions réglant des matières visées à l'article 77 de la Constitution.

L'article 2 définit plusieurs notions qui sont utilisées dans la proposition de loi et qui devraient être comprises dans le sens indiqué pour l'application de l'ensemble de la loi qui serait éventuellement issue de cette proposition.

La loi proposée est applicable à toutes les sociétés, toutes les institutions, et à tous les établissements ou associations qui sont assujettis à l'impôt des sociétés en vertu du titre III, chapitre Ier , du Code des impôts sur les revenus 1992, ainsi qu'à toutes les sociétés qui sont considérées au sens de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises comme des filiales ou des sociétés mères de ces sociétés, institutions, établissements ou associations. Il s'ensuit qu'une entreprise peut être composée de plusieurs sociétés belges ou étrangères.

Les associations sans but lucratif, les institutions publiques et les administrations ne tombent pas, en tant que telles, dans le champ d'application de la loi proposée (article 2, 1º). En ce qui concerne le secteur public, il faudra toutefois, dans une phase ultérieure, prévoir également une participation au résultat. L'on pourrait envisager ainsi une « participation dans les économies » en ce sens que les économies qui auraient été réalisées grâce aux projets de modernisation mis en oeuvre par les fonctionnaires pourraient être affectées à un plan central de participation qui soit semblable au plan qui a été prévu pour les entreprises privées, et qui soit soumis, mutatis mutandis , aux mêmes règles que ce dernier.

Dans un souci de transparence, l'on a choisi de créer un instrument de participation (le fonds de participation) qui gérerait et placerait les apports de participation qui lui auraient été versés en faveur des travailleurs en application des dispositions proposées (article 2, 4º). Comme le capital de ce fonds serait variable, l'on a décidé de lui donner la forme d'une société coopérative (cf. infra ).

Le fonds d'entreprise est un fonds dont la mission est d'investir les sommes gérées par le fonds de participation dans la réalisation des objectifs définis par la loi proposée. Le fonds d'entreprise n'a pas la personnalité juridique. Il faut considérer qu'il constitue un compte distinct dans la comptabilité de l'entreprise.

TITRE II

De la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise

CHAPITRE Ier

Des conditions et modalités de la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise

Section 1re

Du plan de participation

Toute entreprise peut instaurer un plan de participation (article 3). La réglementation élaborée ici n'exclut nullement les autres dispositions de la loi sur les sociétés commerciales (par exemple, l'article 52septies ). C'est le conseil d'administration qui est compétent pour établir et modifier le plan de participation. Une confirmation du plan de participation par les statuts de l'entreprise semble généralement être une procédure trop compliquée. Habituellement, les entreprises n'aiment pas beaucoup modifier leurs statuts, en raison des frais de notaire, des publications, de la perte de temps, etc., que cela entraîne. Si le plan de participation prévoit l'acquisition d'actions d'une des sociétés de l'entreprise (le holding, par exemple), il faut que cette acquisition soit approuvée par l'assemblée générale de ladite société, pour éviter que, d'une manière ou d'une autre, les actions ne puissent pas être cédées (par exemple, dans le cadre de l'article 41, § 2, de la loi sur les sociétés commerciales).

Le conseil d'entreprise devra donner un avis ou ­ s'il n'y a pas de conseil d'entreprise ­ le comité pour la prévention et la protection, une délégation des travailleurs ou ­ en l'absence de ces organes ­ l'ensemble des travailleurs. Cet avis n'est pas impératif et doit être rendu dans un délai raisonnable. Si, dans une entreprise d'une certaine taille, il n'existe aucun organe officiel, les travailleurs pourront ­ pour des raisons pratiques ­ se faire représenter par une délégation ad hoc.

La proposition de loi organise un schéma de participation qui permettra à tous les travailleurs de s'associer, facultativement, à leur propre entreprise (par le biais d'un fonds de participation). Si l'on a prévu une ancienneté minimale (trois ans maximum), c'est pour éviter que le rythme de rotation plus élevé qui caractérise les travailleurs comptant peu d'années d'ancienneté ne contrarie le bon fonctionnement du fonds (une trop grande rotation du personnel peut entraîner des problèmes de liquidité pour le fonds). Le fonds de participation est alimenté par des apports personnels du travailleur (sous forme de versements uniques ou périodiques), et/ou par des apports de l'entreprise [sous forme d'actions ­ ou de droits sur celles-ci (on peut ainsi introduire également les options) ­ de l'entreprise ou sous forme d'obligations à warrants de l'entreprise ou sous la forme de versements en numéraire] (articles 4 et 5). Le versement sous forme d'actions de l'entreprise au fonds de participation implique, soit une augmentation préalable du capital de l'entreprise avec émission d'actions nouvelles auxquelles l'entreprise souscrit elle-même, soit un rachat préalable de ses propres actions.

La réglementation proposée permet diverses formules de participation, telles qu'elles sont en usage dans d'autres États membres (Recommandation du 27 juillet 1992, II, 4; PEPPER II, p. 63 « dimension intracommunautaire ») :

­ épargne : montant versé par le travailleur;

­ prime d'épargne : prime que l'entreprise place sur le compte d'épargne du travailleur (également en vue d'acquérir des actions de l'entreprise);

­ participation en « capital étranger » : crédit accordé au travailleur par l'intermédiaire d'un fonds d'entreprise (surtout pour les P.M.E.);

­ dans une mesure plus ou moins importante, les systèmes anglo-saxons, comme le système B.O.G.O.F. (buy one get one free) , dans lequel, à l'achat d'une action, l'entreprise en offre une de plus; le système S.A.Y.E. (save as you earn) , dans lequel le travailleur peut épargner chaque mois en vue de l'achat d'actions (options); le système E.S.O.P. (employee share ownership plan) , dans lequel les travailleurs peuvent, par le biais d'un instrument de participation (employee benefit trust) , acquérir, avec l'aide de l'entreprise, un nombre substantiel d'actions de celle-ci;

­ ...

Pour pouvoir parler effectivement de participation des travailleurs, la grande majorité du personnel doit (pouvoir) participer. Les apports de l'entreprise et du travailleur varient de 0 franc à 100 000 francs par an, indépendamment de critères tels que la fonction, le grade ou l'ancienneté (on peut toutefois subordonner l'accès au plan de participation à une ancienneté de trois ans). L'énumération de ces critères n'est pas exhaustive. Aucune législation étrangère n'offre les mêmes garanties qu'un nombre aussi élevé que possible de travailleurs ­ et ce, quels que soient leur grade ou leur rémunération ­ puissent effectivement participer de la même manière. L'article 5, § 4, prévoit que les montants peuvent être doublés en cas d'E.B.O. (employee buy out) . Les apports minimum ou maximum de l'entreprise et du travailleur ne sont donc pas exprimés en pour cent du salaire (brut) ou des résultats de l'entreprise. Tout travailleur, qu'il soit cadre ou ouvrier, doit pouvoir être associé de la même façon au devenir de l'entreprise. Quant à l'apport de l'entreprise, on peut le faire dépendre du résultat de celle-ci au cours de l'exercice concerné ou d'autres facteurs objectifs mesurant un ou plusieurs résultats de l'entreprise. Le résultat de l'entreprise ou les autres facteurs mesurables pourront, le cas échéant, être contrôlés par un réviseur.

Le plan de participation détermine le mode d'évolution des actions (ou les droits sur celles-ci) mises à la disposition du travailleur et du fonds de participation (article 5, § 7).

Les actions du fonds de participation acquises par le travailleur peuvent donner droit chaque année à des dividendes, du moins si l'assemblée générale des actionnaires décide, selon les règles ordinaires, d'en attribuer un. Ces dividendes peuvent être considérés comme un R.O.I. (return on investment) quasi immédiat des investissements réalisés par le travailleur (et l'entreprise). Ils peuvent également être réinvestis dans le plan de participation (article 5, § 8). Ces versements n'entrent pas en ligne de compte pour le calcul des limites fixées au § 2. Dès que des sommes se trouvent dans le fonds de participation, il paraît en effet préférable de les laisser suivre leur existence propre, de ne plus leur faire influencer le plan de participation lui-même. Cette technique semble offrir le plus de transparence pour éviter toutes les confusions entre l'exécution du plan de participation (= l'entreprise elle-même) et la gestion du fonds de participation (= personne morale distincte sous forme de société coopérative).

Il est à souligner que cette réglementation ne se substitue pas aux avantages salariaux qui pourraient exister et ne porte pas non plus atteinte, en quelque façon que ce soit, au principe de l'adaptation (automatique) des salaires à l'évolution des prix à la consommation (indice-santé) (article 5, § 9). L'avantage de la méthode est de ne pas toucher à la situation salariale existante et de permettre une instauration lente et progressive des systèmes de participation.

Le plan de participation ne peut être mis en oeuvre que s'il a été satisfait ­ dans le cas des sociétés anonymes et des sociétés privées à responsabilité limitée ­ aux obligations prescrites par la loi sur les sociétés commerciales en ce qui concerne la formation d'un fonds de réserve.

L'article 52septies de la loi sur les sociétés commerciales ne prévoyant pas de procéder à une augmentation de capital pour créer un fonds de participation au sens de la présente proposition, l'article 7, § 6, de celle-ci en institue la possibilité.

Section 2

Du fonds de participation

Le fonds de participation est créé sous la forme d'une société coopérative (cf. article 2, 4º, et article 8, § 1er ). Tous les apports sont considérés comme des versements dans le capital de la société coopérative. La société coopérative distribue aux travailleurs un nombre d'actions proportionnel aux apports qui ont été effectués en leur faveur. Il paraît superflu de continuer à soumettre l'émission des actions du Fonds de participation au contrôle de la Commission bancaire et financière.

Le Fonds de participation investit uniquement dans l'entreprise et elle n'investit donc pas dans d'autres valeurs mobilières. Les investissements effectués doivent servir à assurer la continuité de l'entreprise. La présente proposition de loi vise en effet à réaliser une participation structurelle des travailleurs dans leur entreprise et non pas à accroître arbitrairement le patrimoine de celle-ci par l'entremise d'un fonds de placement. Il paraît néanmoins souhaitable qu'on ne donne pas, aux mots « investir dans sa propre entreprise », le sens exclusif d'« investir dans des actions de l'entreprise (ou dans les droits qui s'y rattachent) ». Le patrimoine de quasi toutes les entreprises est composé et de fonds propres et de fonds de tiers. C'est pourquoi l'Allemagne et la France, entre autres, encouragent également la participation des travailleurs à des fonds de tiers. Celle-ci prend concrètement la forme d'un crédit consenti par les travailleurs. Cette forme de participation au capital est souvent utile aux P.M.E., étant donné qu'elles n'ont pas d'actions à distribuer à leurs collaborateurs. En attendant de pouvoir investir dans le capital de l'entreprise (par exemple, à l'occasion d'une augmentation de capital), le fonds pourra procéder, pendant une période de trois ans au plus, à d'autres formes de placement. Celles-ci doivent être mentionnées dans le plan de participation.

Il paraît souhaitable, pour prévenir l'apparition de toutes sortes de dénominations non contrôlées, pour que les gens puissent se familiariser plus rapidement avec la législation sur la participation des travailleurs et pour que les entreprises concernées puissent avoir rapidement un statut précis, d'imposer l'insertion des mots « fonds de placement » dans la dénomination. Pour le reste, il y a lieu d'appliquer le principe « un associé, une voix ».

En optant pour la forme de la société coopérative, l'on part du principe que ladite société conservera en permanence le capital minimum. Il faudra en tenir compte au moment du paiement des actions.

Pour prévenir toute confusion d'intérêt, l'on a prévu que les membres qui exercent un mandat au sein du conseil d'entreprise, de la délégation syndicale, du comité de prévention et de protection ou d'un des autres organes représentatifs du personnel des entreprises visées à l'article 2, 1º, ne pourront pas être nommés à une fonction d'administrateur.

Le plan de participation (article 7, § 3) règle l'affectation des fonds du fonds d'entreprise (et l'appréciation des placements). Les fondés de pouvoir en appliquent les dispositions (article 8, § 3).

Pour garantir la continuité du système, l'on a prévu dans le plan de participation une période de blocage de cinq ans, de manière que les travailleurs ne puissent pas décider d'un jour à l'autre de céder leurs actions (article 9). Cette période de blocage ne peut être réduite à trois ans que dans les circonstances exceptionnelles ­ licenciement, départ à la retraite, décès et invalidité ­ qui sont indiquées à cet article.

Section 3

De la participation structurelle

L'article 10 règle la participation structurelle des travailleurs dans leur entreprise, qui constitue en définitive l'objectif de la proposition de loi. Par analogie avec ce que prévoit la loi française du 25 juillet 1994, l'article 10 prend les précautions nécessaires pour que le conseil d'administration ne puisse pas être utilisé abusivement comme un conseil d'entreprise.

Section 4

De l'information

Il est capital que les travailleurs soient informés (au moment de leur engagement ou au moment de la conclusion du plan de participation) des possibilités qu'offre un plan de participation et des conditions qui y sont définies. Il faut que le système soit transparent aussi pour les travailleurs (article 11).

Section 5

Dispositions fiscales

Les articles 12 et 13 définissent les règles fiscales.

Puisque le régime de participation dans l'entreprise est basé sur un système de placement collectif effectué par les travailleurs, il faut doter le fonds de participation d'un statut fiscal neutre, analogue à celui des sociétés de placement. C'est pourquoi la société coopérative qui agira en tant que fonds de participation ne sera pas imposée sur l'ensemble de ses bénéfices, mais seulement sur le total de ses dépenses rejetées, autres que les moins-values et les réductions de valeur d'actions et les intérêts visés à l'article 198, 10º, du C.I.R. 92.

Afin d'éviter les transferts abusifs de bénéfices, elle sera également imposée sur les avantages anormaux ou bénévoles au sens de l'article 26 du Code des impôts sur les revenus 92. C'est ce que prévoit l'article 12.

L'article 13, 1º, classe parmi les revenus mobiliers exonérés les dividendes d'actions du fonds de participation qui sont immédiatement réinvestis dans celui-ci.

L'article 13, 2º, prévoit que l'acquisition (à titre gratuit) par le travailleur d'actions d'un fonds de participation n'est pas considérée comme une rémunération dans son chef.

L'article 13, 3º et 4º, classe les capitaux reçus par le travailleur (à l'exception des plus-values) suite à la cession ou à la réalisation des actions du fonds de participation parmi les revenus divers visés à l'article 90 du C.I.R. 92.

L'article 13, 5º et 6º, définit le statut fiscal des apports des travailleurs et de l'entreprise. L'apport du travailleur constitue une affectation qui donne droit à une réduction d'impôt sur la base du taux moyen spécial visé à l'article 145/2 du C.I.R. 92. Les dividendes que le travailleur reçoit du fonds de participation et qu'il réinvestit immédiatement dans ce fonds ne donnent pas droit à une réduction d'impôt. Les apports de l'entreprise constituent des frais professionnels déductibles.

Les capitaux (c'est-à-dire le montant nominal des apports des travailleurs et de l'entreprise, mais pas les plus-values réalisées au cours des ans) qui sont finalement versés au travailleur sont imposables aux taux distincts visés à l'article 171 du C.I.R. 92. Les capitaux sont imposés au taux de 16,5 % s'ils sont liquidés à l'occasion de la mise à la retraite à la date normale ou de la mise à la prépension au cours d'une des cinq années qui précèdent la date normale. Si les capitaux sont liquidés avant la mise à la pension, ils seront imposés au taux de 33 %. Tel est l'objet de l'article 13, 7º.

En vertu de l'article 186 du C.I.R. 92, la moins-value réalisée par l'entreprise en cas de cession d'actions à titre gratuit est déductible fiscalement. D'autre part, en vertu de ce même article 186 du C.I.R. 92, la différence entre le prix de vente des actions au fonds de participation et le prix d'acquisition des actions par l'entreprise (en cas d'acquisition par l'entreprise de ses propres actions) est considérée comme un dividende et, donc, comme un bénéfice imposable. Telle n'est pas l'intention. L'apport de l'entreprise, sous quelque forme que ce soit, doit être déductible fiscalement, mais ne peut évidemment, par ailleurs, être imposé. L'article 13, 8º, prévoit que la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition ne peut pas être considérée comme un dividende, ni donc non plus comme un bénéfice imposable.

Section 6

Dispositions de droit social

L'article 14 règle les dispositions de droit social. Il est essentiel de savoir si la participation dans l'entreprise constitue une rémunération ou non pour pouvoir définir le statut à attribuer, en droit social, au transfert de patrimoine de l'entreprise aux travailleurs.

Jusqu'à quel point peut-on encourager un transfert de patrimoine par des mesures de droit social, comme l'instauration d'un plan de participation financière ?

La rémunération forme la contrepartie du travail qui est accompli en exécution d'un contrat de travail et dans le cadre d'un lien de subordination. La rémunération peut être exprimée en espèces. La participation est une transaction qui « transcende » le lien de subordination. Elle découle de la consécration d'un principe d'équivalence réciproque. Elle remet en question le modèle de subordination qui existe entre l'employeur et le travailleur. Une participation structurelle et une participation au capital ne sont pas nécessairement appréciables en espèces.

La rémunération d'un travail individuel doit être équitable, fixe et soumise au principe de solidarité, en ce sens qu'elle doit générer une contribution à la collectivité sous la forme d'impôts et une contribution, sous la forme d'une cotisation, à l'O.N.S.S., pour les jours où aucun travail productif n'est accompli. La participation dans l'entreprise n'est pas la rémunération fixe et/ou variable individualisée d'un travail individuel.

Dès lors, les transferts de patrimoine en application d'un plan de participation ne peuvent pas donner lieu au paiement de cotisations de sécurité sociale.

Il est pourtant nécessaire aussi de définir les limites autorisées de la participation dans l'entreprise au regard du régime de sécurité sociale. En effet, il y a lieu, dans tout ordre juridique, de tracer des limites, pour que l'on puisse et respecter le principe du paiement d'une rémunération fixe et individuelle équitable et assurer la sauvegarde du régime de sécurité sociale, dont on ne peut pas saper la base de financement. Seule la participation structurelle du travailleur au patrimoine de l'entreprise pendant une période assez longue et dans les limites définies à l'article 5 ne donne pas lieu au paiement de cotisations sociales. Des cotisations de sécurité sociale doivent dès lors être payées par le travailleur sur les actions du fonds de participation qu'il aura aliénées ou cédées avant la fin de la période de blocage fixée à l'article 9.

Section 7

Dispositions concernant le droit des sociétés

Comme les articles 52bis et 52ter des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ne prévoient pas la possibilité, pour la société, d'acquérir des actions ni d'accorder des crédits au profit d'un fonds de participation au sens de la loi proposée, il y a lieu de les compléter de manière à l'y inscrire (article 15).

CHAPITRE II

Du contrôle et des dispositions pénales

Les articles 16 à 22 concernent le contrôle, l'aspect pénal, la responsabilité civile, la prescription et les sanctions administratives.

CHAPITRE III

Dispositions en matière de compétence

L'article 23 dispose que le tribunal de commerce est compétent.

Présentation schématique de la législation

1. Apport de l'entreprise/dividende des actions de capital/intérêt versé par le fonds d'entreprise au fonds de participation.

2. Apport des travailleurs au fonds de participation.

3. Crédit que la banque accorde au fonds de participation.

4. Achat, par le fonds de participation, d'actions de capital, en bourse/auprès d'actionnaires.

5. Augmentation du capital de l'entreprise au profit du fonds de participation.

6. Placement du fonds de participation dans le fonds d'entreprise.

7. Paiement du fonds d'entreprise au fonds de participation.

8. Paiement du fonds de participation aux travailleurs, au plus tôt au terme de la période de blocage de 5 (3) ans.

9. Octroi, à l'entreprise, par le fonds d'entreprise, d'un crédit financé par les travailleurs.

10. Remboursement à la banque du crédit accordé au fonds de participation.

Leo DELCROIX.

PROPOSITION DE LOI


TITRE Ier

Définitions et champ d'application

Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution, à l'exception de son article 23, qui règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par :

1º entreprise : toute société, toute institution, tout établissement ou toute association qui est assujetti à l'impôt des sociétés en vertu du titre III, chapitre Ier , du Code des impôts sur les revenus 1992, et toute société qui, au sens de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, est considérée comme une filiale ou une société-mère de ces sociétés, institutions, établissements ou associations;

2º travailleur : toute personne qui se trouve dans les liens d'un contrat de travail conclu avec une entreprise au sens du 1º;

3º lois sur les sociétés commerciales : les lois relatives aux sociétés commerciales coordonnées le 30 novembre 1935;

4º fonds de participation : la société coopérative créée dans le but de promouvoir la participation financière des travailleurs dans leur entreprise; ce fonds est chargé de gérer et de placer les apports effectués par les travailleurs et par l'entreprise en vertu des dispositions de la présente loi;

5º plan de participation : le plan élaboré par le conseil d'administration de l'entreprise et contenant, conformément aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution, toutes les modalités spécifiques de mise en oeuvre de la participation des travailleurs dans l'entreprise. Le plan de participation est établi par écrit et il vaut pour une durée de cinq ans au moins.

Lorsque le plan de participation prévoira une faculté de choix individuel, le conseil d'administration établira une annexe individuelle au plan de participation pour chaque travailleur qui aura fait usage de cette faculté, et ce, uniquement pour ce qui est des dispositions qui dérogeront au plan de participation défini au premier alinéa;

6º fonds d'entreprise : le fonds ayant pour mission d'investir, au sein de l'entreprise, les sommes gérées par le fonds de participation en vue de la réalisation des objectifs définis par la présente.

TITRE II

De la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise

CHAPITRE PREMIER

Des conditions et modalités de la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise

Section première

Du plan de participation

Art. 3

§ 1er . Sans préjudice des dispositions de la loi sur les sociétés commerciales, un plan de participation peut être instauré dans toute entreprise, après avis du conseil d'entreprise. Si le plan de participation prévoit l'acquisition d'actions d'une des sociétés de l'entreprise, l'approbation de l'assemblée générale de la société en question est requise.

§ 2. En l'absence d'un conseil d'entreprise, le comité pour la prévention et la protection rendra un avis; en l'absence d'un tel comité, la délégation des travailleurs rendra un avis. L'avis de tous les travailleurs est requis.

Art. 4

Tous les travailleurs doivent avoir accès au plan de participation. Une ancienneté minimale ne dépassant pas trois ans peut toutefois être exigée. Le travailleur décide lui-même de participer ou non.

Art. 5

§ 1er . Dans le cadre du plan de participation, on peut convenir de diverses formules de participation en vertu desquelles soit l'entreprise, soit le travailleur, soit l'entreprise et le travailleur, versent des contributions au fonds de participation.

§ 2. L'apport personnel du travailleur consiste en versements uniques ou périodiques. L'apport total du travailleur s'élève à 10 000 francs au moins et à 100 000 francs au plus par an. Le travailleur ne peut être tenu d'apporter plus de 100 000 francs par an.

§ 3. L'apport de l'entreprise consiste en versements en numéraire et/ou en actions ­ ou en droits sur celles-ci ­ de l'entreprise. L'apport de l'entreprise dans le plan de participation peut être subordonné au résultat de celle-ci au cours de l'exercice concerné ou d'autres facteurs objectifs mesurant un ou plusieurs résultats de l'entreprise. L'apport de l'entreprise ne peut dépasser 100 000 francs par travailleur et par an.

§ 4. Lorsqu'il est convenu dans le plan de participation de faire acquérir par le fonds de participation 25 % au moins des actions de l'entreprise dans un délai ne dépassant pas dix ans, les montants mentionnés aux §§ 2 et 3 peuvent être doublés.

§ 5. Le plan de participation ne peut prévoir aucune distinction en fonction de la rémunération, du grade ou de l'ancienneté du travailleur, sans préjudice des dispositions de l'article 4.

§ 6. Le 1er janvier de chaque année suivant celle de l'entrée en vigueur de la présente loi, les montants mentionnés au présent article sont adaptés à l'évolution de l'indice-santé.

§ 7. Le plan de participation détermine le mode d'évaluation des actions de l'entreprise mises à la disposition du fonds de participation et des actions mises à la disposition du travailleur par le fonds de participation.

§ 8. À la demande écrite du travailleur, le dividende afférent à sa part du fonds de participation peut être versé au fonds de participation au titre d'apport personnel du travailleur. Il n'est pas tenu compte de ce versement pour le calcul des limites prévues au § 2.

§ 9. Les apports versés par le travailleur et l'entreprise dans le cadre de la présente loi ne peuvent être substitués à aucune composante salariale, ni à l'adaptation des salaires à l'évolution de l'indice-santé.

Art. 6

Le plan de participation ne peut s'appliquer que s'il a été satisfait aux obligations prévues aux articles 77 et 137 de la loi sur les sociétés commerciales en ce qui concerne la formation d'un fonds de réserve.

Section 2

Du fonds de participation

Art. 7

§ 1er . Les apports visés dans la section précédente accompagnés des calculs et des commentaires nécessaires, sont transférés au fonds de participation par l'entreprise. Celle-ci remet les calculs et les commentaires en double exemplaire au conseil d'entreprise ou, à défaut, à l'organisme visé à l'article 3, § 2. Dans le cadre de l'annexe individuelle au plan de participation, l'entreprise remet les calculs et les commentaires en double exemplaire à chaque travailleur.

§ 2. Le travailleur reçoit un nombre d'actions du fonds de participation qui est proportionnel aux apports qui y ont été versés en sa faveur. L'émission des actions du fonds de participation n'est pas soumise au contrôle de la Commission bancaire et financière.

§ 3. Les apports ne peuvent être placés qu'au seul bénéfice de l'entreprise et ce, sous les formes suivantes :

1º actions ­ ou droits attachés à celles-ci ­ ou obligations warrantées de l'entreprise;

2º versement effectué dans un fonds d'entreprise à gestion séparée dont l'objet est d'octroyer à l'entreprise du crédit, sous une forme quelconque, et ce, à l'une des fins suivantes qui doivent être définies en détail dans le plan de participation :

­ fonds de liquidité pour l'entreprise en remplacement d'un crédit;

­ fonds d'investissement productif pour le remplacement/l'acquisition d'outils de production;

­ fonds de formation pour les formations aux fonctions vulnérables en vue de la sauvegarde des postes de travail.

§ 4. Jusqu'à leur placement de la manière définie au § 3, 1º, les apports rassemblés au sein du fonds de participation peuvent être placés, pendant une période n'excédant pas trois ans, à compter du jour où ils ont été versés au fonds de participation, d'une autre manière définie par le plan de participation.

§ 5. Le fonds de participation peut recourir à l'emprunt pour acquérir des actions de l'entreprise ou pallier des problèmes de liquidité, et seulement à ces fins, à condition que le plan de participation lui donne la possibilité de le faire.

§ 6. L'entreprise peut procéder à une augmentation de capital destinée en tout ou partie au fonds de participation.

Art. 8

§ 1er . Le fonds de participation est créé sous la forme d'une société coopérative à responsabilité limitée. La raison sociale de la société doit comprendre les mots « Fonds de participation ». Le fonds de participation fonctionne suivant le principe : « un associé, une voix ».

§ 2. Les membres qui exercent un mandat au sein du conseil d'entreprise, de la délégation syndicale ou du comité de prévention et de sécurité d'une entreprise visée à l'article 2, 1º, ne peuvent pas être désignés pour occuper une fonction d'administrateur du fonds de participation. Cette disposition ne vaut pas pour les entreprises qui comptent moins de 200 travailleurs.

§ 3. Lorsque le fonds de participation réalise des placements dans un fonds d'entreprise, conformément aux dispositions de l'article 7, § 3, un compte distinct est ouvert, dans la comptabilité de l'entreprise, pour les y enregistrer. Ce compte est géré exclusivement par un fondé de pouvoir de l'entreprise et un fondé de pouvoir du fonds de participation qui agissent conjointement.

§ 4. Le fonds de participation et la manière dont est fixée la valeur des actions de l'entreprise qui sont mises à la disposition soit du fonds soit des travailleurs, sont soumis au contrôle du commissaire-réviseur des entreprises au sens de l'article 2, 1º, ou, à défaut, d'un réviseur d'entreprise ou expert-comptable qui est inscrit au tableau des experts-comptables externes de l'Institut des experts-comptables et qui a été désigné par l'un des associés du fonds de participation.

§ 5. Le ministre des Finances peut prendre, par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, des mesures en vue d'assurer la bonne gestion et le contrôle des fonds de participation.

Art. 9

§ 1er . Les parts du fonds de participation ne peuvent être remises aux travailleurs, en espèces ou sous la forme d'actions des entreprises définies à l'article 2, 1º, qu'à l'issue d'une période de blocage de cinq ans au moins. Dans le cas visé à l'article 5, § 4, aucune remise sous la forme d'actions de l'entreprise ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du jour où le fonds de participation aura acquis au moins 25 % des actions de l'entreprise.

§ 2. La période de blocage prend cours le 1er janvier de l'année qui suit celle dans laquelle les apports des employeurs et des travailleurs ont été versés au fonds de participation.

§ 3. Le délai de blocage de cinq ans dont il est question au § 1er peut être ramené à un délai de trois ans en cas de licenciement, de mise à la retraite, de décès ou d'invalidité, si le plan de participation autorise une telle réduction.

Section 3

De la participation structurelle

Art. 10

Dès qu'il est établi que le fonds de participation détient 10 % au moins du capital social de l'entreprise, l'assemblée générale de celle-ci doit nommer, si elle compte plus de 200 travailleurs, 1/5 au moins et, en tout cas, 1 des membres du conseil d'administration du fonds de participation sur une liste de candidats présentée par le conseil d'administration du fonds de participation, et comprenant deux candidats au moins par mandat. Le conseil d'administration du fonds de participation ne peut pas présenter de candidats qui exercent un mandat au sein du conseil d'entreprise, de la délégation syndicale ou du comité de prévention et de protection des entreprises visées à l'article 2, 1º, ou au sein d'un autre organe représentatif des travailleurs.

Section 4

De l'information

Art. 11

Les modalités définies dans le plan de participation sont communiquées par écrit à tous les travailleurs au moment de leur entrée en service ou, le cas échéant, au moment de l'entrée en vigueur du plan de participation.

Section 5

Dispositions fiscales

Art. 12

Par dérogation à l'article 185 du Code des impôts sur les revenus 1992, les sociétés coopératives visées à l'article 2, 4º, ne peuvent être taxées que sur l'ensemble des avantages anormaux ou bénévoles et sur les dépenses et frais non déductibles comme frais professionnels autres que ceux visés à l'article 198, 7º et 10º, du C.I.R. 1992.

Les apports versés par les employeurs et les travailleurs dans le cadre du plan de participation ne sont pas considérés comme des avantages anormaux ou bénévoles.

Art. 13

Les modifications suivantes sont apportées au Code des impôts sur les revenus 1992 :

1º L'article 21 est complété par un 10º, rédigé comme suit :

« 10º les revenus des actions du fonds de participation, au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise, qui sont immédiatement réinvestis dans le fonds en tant qu'apport. »

2º Il est inséré entre le deuxième et le troisième alinéa de l'article 31, un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Ne sont pas considérées comme rémunérations des travailleurs, les acquisitions à titre gratuit d'actions du fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

3º L'article 38 est complété par un 14º, rédigé comme suit :

« 14º sans préjudice de l'application de l'article 90, 11º, les sommes obtenues par le travailleur à l'occasion de la cession ou de la réalisation d'actions d'un fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

4º L'article 90 est complété par un 11º, rédigé comme suit :

« 11º les sommes obtenues par le travailleur à l'occasion de la cession ou de la réalisation d'actions d'un fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise, à condition qu'elles ne dépassent pas le montant des versements uniques ou périodiques effectués par le travailleur et visés à l'article 145/1, 6º, ni le montant des apports versés par l'entreprise et visés à l'article 195, § 3. »

5º L'article 145/1 est complété par un 6º, rédigé comme suit :

« 6º à titre de versements uniques ou périodiques effectués par le travailleur dans un fonds de participation conformément aux dispositions de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

6º À l'article 171 sont apportées les modifications suivantes :

a) le 1º est complété par un littéra h) , rédigé comme suit :

« h) les sommes visées au 4º, j) , si elles sont liquidées différemment »;

b) le 4º est complété par un littéra j) , rédigé comme suit :

« j) les sommes visées à l'article 90, 11º, du Code des impôts sur les revenus 92, si elles sont liquidées au travailleur soit à l'occasion de sa mise à la retraite à la date normale, soit à l'occasion de son décès, soit à l'occasion de sa mise à la prépension au cours d'une des cinq années qui précèdent la date normale. »

7º À l'article 186, il est inséré, entre le troisième et le quatrième alinéa, un alinéa nouveau rédigé comme suit :

« Dans le cas visé à l'alinéa 2, 2º, l'alinéa 1er n'est pas applicable si l'acquéreur des actions est un fonds de participation au sens de la loi du .... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

8º L'article 195 est complété par un § 3, rédigé comme suit :

« § 3. Sont notamment considérés comme des frais professionnels les apports qu'une entreprise verse en faveur de ses travailleurs à un fonds de participation au sens de la loi du.... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

Section 6

Dispositions de droit social

Art. 14

§ 1er . L'article 2, troisième alinéa, de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs est remplacé par les dispositions suivantes :

« Toutefois, ne sont pas à considérer comme rémunération pour l'application de la présente loi :

1º les indemnités payées directement ou indirectement par l'employeur :

a) comme pécule de vacances;

b) qui doivent être considérées comme un complément des indemnités dues par suite d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle;

c) qui doivent être considérées comme un complément des avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale;

2º :

a) les apports que l'entreprise verse dans un fonds de participation au sens de la loi du.... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise;

b) les actions du fonds de participation défini dans la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise, pour autant qu'elles ne soient pas cédées avant la fin de la période de blocage visée en son article 10;

c) les dividendes des actions du fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

§ 2. Dans la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, est inséré un article 2bis , qui est rédigé comme suit :

« Art. 2bis . ­ Ne sont pas à considérer comme rémunération pour l'application de la présente loi :

a) les apports versés par l'entreprise dans un fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise;

b) les actions du fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise, pour autant qu'elles ne soient pas cédées avant la fin de la période de blocage visée à l'article 9 de celle-ci;

c) les dividendes découlant des actions du fonds de participation au sens la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

Section 7

Dispositions concernant le droit des sociétés

Art. 15

Les lois sur les sociétés commerciales, coordonnées le 30 novembre 1935, sont modifiées comme suit :

1º à l'article 52bis , § 1er , deuxième alinéa, les mots « ou à un fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise » sont insérés après les mots « à son personnel ».

2º au même article, § 4, deuxième alinéa, 3º, les mots « ou à un fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise » sont insérés après les mots « au personnel ».

3º à l'article 52ter , § 2, deuxième alinéa, 1º, les mots « ou à un fonds de participation au sens de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise » sont insérés après les mots « à des membres du personnel de la société ».

CHAPITRE II

Du contrôle et des dispositions pénales

Art. 16

Sans préjudice des compétences des officiers de police judiciaire, l'institution et/ou les agents désignés par le Roi contrôlent le respect de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution, selon les modalités définies par le Roi.

Art. 17

Le Roi peut, après avis du Conseil national du travail, prévoir que les entreprises et les fonds de participation doivent conserver les documents et fournir les renseignements qui concernent la participation dans l'entreprise au sens de la présente loi.

Le Roi prend les mesures nécessaires pour :

­ que les dispositions de la présente loi soient respectées strictement;

­ que les informations statistiques relatives à l'application de la présente loi soient réunies comme il se doit;

­ qu'un rapport annuel soit établi à l'intention du Gouvernement et des Chambres législatives, qui fournisse des informations à propos de l'application et la diffusion du système de la participation au patrimoine des entreprises et à propos des mesures qui auront été prises dans le souci d'assurer une grande diffusion continue de ce système.

Art. 18

Sans préjudice des articles 269 et 271 à 274 du Code pénal, sont punis d'une amende de cinquante à dix mille francs :

1º l'entreprise, ou son préposé ou mandataire, qui ne respecte pas les dispositions des articles 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11 et 17 de la présente loi ni les arrêtés d'exécution de ceux-ci;

2º le fonds de participation, son préposé ou mandataire, qui ne respecte pas les dispositions des articles 7, 8, 9 et 17 de la présente loi ni les arrêtés d'exécution de ceux-ci;

3º toute personne qui entrave le contrôle organisé en application des articles 16 et 17.

Ils sont punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante à dix mille francs ou d'une seule de ces peines s'ils ont agi dans une intention frauduleuse.

Art. 19

Les entreprises et les fonds de participation sont civilement responsables du paiement des amendes auxquelles leurs préposés ou mandataires ont été condamnés.

Art. 20

Toutes les dispositions du livre Ier du Code pénal, à l'exception du chapitre V, mais y compris le chapitre VII et l'article 85, sont applicables aux délits définis dans la présente loi.

Art. 21

L'action publique intentée à la suite d'une infraction aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution se prescrit par cinq ans à compter du jour de l'infraction.

Art. 22

L'article 1er de la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales est complété par un 37º rédigé comme suit :

« celui qui ne respecte pas les dispositions de l'article 20 de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise ou de ses arrêtés d'exécution. »

CHAPITRE III

Disposition en matière de compétence

Art. 23

L'article 574 du Code judiciaire, modifié par les lois des 24 mars 1975, 12 juillet 1989, 12 juin 1991 et 22 juillet 1991, est complété par un 10º rédigé comme suit :

« 10º des litiges concernant l'application de la loi du ... sur la participation des travailleurs salariés dans l'entreprise. »

Leo DELCROIX.
Philippe CHARLIER.
Hugo VANDENBERGHE.