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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 24 JANVIER 2002 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Magdeleine Willame-Boonen au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur «les faux passeports belges» (nº 2-840)

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Les articles consacrés par la presse belge de ce matin au terrorisme islamique sont inquiétants. Par ailleurs, Le Monde, reprenant des informations parues dans Le Parisien, fait une fois de plus état de l'existence de faux passeports belges. Cette semaine, il s'agit de M. Schuller, ancien conseiller général des Hauts-de-Seine qui, poursuivi dans l'affaire des HLM des Hauts-de-Seine, a fui la France en 1994. Identifié aux Bahamas en 1997, il aurait précipitamment quitté ce pays pour gagner secrètement la République Dominicaine sous une fausse identité. L'ancien élu, qui fait l'objet d'une « notice rouge » qui vaut demande d'arrestation immédiate dans les pays affiliés à Interpol, serait en possession d'un « vrai-faux » passeport belge, émis au nom de Jean Wiser. Sa compagne, Christel Delaval, disposerait également d'un faux passeport au nom de Maria Wiser.

En outre, selon le fils de l'intéressé, M. Schuller aurait chez lui des tampons officiels belges pour fabriquer lui-même de faux permis de conduire. Le nombre de faux passeports belges qui circulent dans le monde devient vraiment impressionnant. Cela devient presqu'une mode. Le journal Le Soir rappelle encore dans son édition de ce matin que les responsables de l'attentat contre le commandant Massoud étaient en possession d'authentiques passeports belges, tout comme Richard Reid, le kamikaze qui avait dissimulé des explosifs dans sa chaussure.

En ce qui concerne l'affaire Schuller, le ministre a-t-il été mis au courant de l'existence de faux passeports et d'une éventuelle disparition de tampons officiels ? Le journal Le Monde revient aujourd'hui sur cette affirmation au motif que les propos du fils de M. Schuller sont peut-être sujets à caution. Une enquête au sein de son département a-t-elle été ouverte ? Quelles mesures a-t-il prises afin que notre pays ne soit plus une véritable plaque tournante de faux documents ?

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je voudrais rappeler d'emblée que les passeports utilisés frauduleusement proviennent de vols commis avant 1999. Je crois une sage précaution d'indiquer que je n'incrimine personne. En effet, les propos de Mme Willame pourrait accréditer l'idée que des passeports sont volés tous les jours en Belgique. Je tiens à ajouter humblement, pour prévenir tout malentendu, que si j'avais occupé une fonction ministérielle à l'époque, j'aurais été dans l'impossibilité totale d'empêcher le vol desdits passeports. Donc, je ne reproche nullement à mon prédécesseur d'avoir été incapable de prévenir ce forfait.

Je peux informer Mme Willame que les autorités belges n'ont pas été saisies par leurs collègues français en ce qui concerne le passeport utilisé par M. Schuller. Toutefois, mes services ont été informé du contenu de l'article de presse auquel Mme Willame a fait allusion. Des informations complémentaires ont immédiatement été demandées à notre ambassade à Paris. Je les transmettrai dès réception à Mme Willame.

Quant à la deuxième question, plusieurs mesures ont été prises au cours des dernières années :

Étant donné cette décision, je voudrais demander à l'honorable assemblée de ne pas me submerger de questions orales sur les raisons pour lesquelles les personnes qui demandent un passeport dans nos postes doivent attendre plusieurs semaines. En effet, cette demande doit être acheminée par la valise diplomatique, subir tous les contrôles, etc. La confection des passeports étant centralisée, il n'est plus possible d'obtenir un passeport en poste très rapidement.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que la Belgique a connu un problème de vol de passeports vierges mais que l'usurpation d'identité et d'autres abus de passeports individualisés et délivrés en bon ordre sont des phénomènes mondiaux. La Belgique ne se trouve pas dans une plus mauvaise situation que d'autres pays en ce qui concerne cette problématique.

Cela dit, je reconnais que cette dernière remarque, qui m'a été suggérée par un collaborateur, ne justifie rien. Je suis extrêmement attentif à ce problème, j'organise régulièrement des réunions pour étudier la manière de certifier les passeports et d'assurer la bonne fin du processus de confection de ceux-ci. Nous allons poursuivre dans cette voie.

Je voudrais néanmoins apporter une précision. Pour mettre en oeuvre le système permettant de confectionner des passeports infalsifiables et en équiper tous nos postes, il faudra débourser un peu plus de trois milliards de francs belges. Pourquoi ce système est-il si coûteux ? L'appareillage nécessaire est assez abordable, ce qui coûte très cher, c'est la sécurisation des bâtiments dans lesquels ces appareils seront installés. Un relevé effectué poste par poste a permis d'estimer ces coûts à un peu plus de trois milliards. Ce montant recouvre l'achat du matériel et la sécurisation des locaux où le matériel sera placé. Je vais toutefois tenter de développer un plan pluriannuel permettant d'équiper nos postes progressivement. Mon budget ne me permet pas d'aller plus vite.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Je vous remercie, monsieur le vice-ministre, pour votre réponse très circonstanciée. Si vous ne pouvez répondre à ma toute dernière question concernant monsieur Schuller, c'est, je le suppose, parce que vos attendez toujours une réponse des services français. Ce qui m'inquiète le plus, c'est le fait que l'on ait volé non seulement des passeports, mais aussi des machines permettant d'en fabriquer.

Le problème des passeports belges n'est-il pas devenu pratiquement un phénomène de mode ? Chaque fois qu'une personne avec un faux passeport se déplace, on dit qu'elle détient un passeport belge !

N'empêche, une série de questions sont toujours pendantes concernant cette problématique de faux visas particulièrement lourde pour les Affaires étrangères. Nous y reviendrons en commission « traite des êtres humains ».