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Question écrite n° 6-2196

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur

Projet SAFTE - Commerce d'armes - Règles - Harmonisation - Armes lourdes - Études - Chiffres

commerce des armes
trafic illicite
terrorisme

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1839

Question n° 6-2196 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Des études montrent qu'il y a de plus en plus d'armes lourdes disponibles en Europe. À moins d'une nouvelle politique, des armes encore plus lourdes provenant de zones de conflit comme l'Ukraine et la Libye risquent de tomber entre les mains de criminels et de terroristes. C'est ce que révèle un rapport détaillé du Projet SAFTE, qui étudie l'accès terroriste à des marchés illégaux d'armes à feu en Europe et qui a été publié par le Vlaams Vredesinstituut.

Au cours de ces dernières années, on a saisi, chez des groupes terroristes, de grandes quantités d'armes à feu, y compris d'armes de guerre. Pour des criminels et des terroristes, il est plus facile que par le passé d'avoir accès à certains types d'armes à feu grâce à l'augmentation de la contrebande dans les pays sortant d'un conflit, aux lacunes légales concernant les armes désactivées et aux pistolets d'alarme convertibles.

Trois conclusions peuvent être tirées.

1) les armes lourdes sont de plus en plus disponibles en Europe ;

2) malgré une nouvelle directive européenne de 2017 sur les armes, les trafiquants d'armes profitent toujours des disparités existant dans les législations nationales et du non-respect des règles européennes actuelles ;

3) à moins d'une nouvelle politique, des armes plus lourdes encore, comme des lance-missiles provenant des zones de conflit en Ukraine et en Libye, risquent de tomber entre les mains de criminels et de terroristes.

Aux Pays-Bas, on a opéré plusieurs grosses saisies d'armes dont un nombre fort élevé provenait de Slovaquie. Il s'agit de fusils automatiques et de pistolets mitrailleurs de la marque Ceská Zbrojovka. Les armes avaient été neutralisées en Slovaquie et ont pu, de ce fait, être exportées sans autorisation conformément à la réglementation slovaque. Une fois confiées à un expert compétent, ces armes ont toutefois pu être rendues à nouveau opérationnelles. On a estimé à 10 000 le nombre d'armes lourdes qui sont arrivées sur le marché européen depuis 2014, dont une partie a été utilisée à Bruxelles et à Paris.

On observe une tendance singulière : les armes sont de plus en plus souvent vendues en pièces détachées, généralement sur internet. Ces ventes sont légales puisque les pièces détachées, comme la carcasse d'un pistolet, sont vendues sans autorisation dans d'autres États membres.

Les différentes pièces sont alors réunies dans le pays de destination finale et assemblées comme un kit de montage.

Ainsi, au cours du premier semestre 2015, trente pistolets de la marque Glock, dont la carcasse avait été achetée légalement en Autriche et les autres pièces aux États-Unis, ont été saisis aux Pays-Bas. L'exemple du Glock montre les failles de la régulation du commerce des armes au niveau européen. Tant qu'il sera possible d'acheter en Autriche, sans permis, des pièces d'armes pour lesquelles notre pays exige un permis, les criminels et les terroristes auront beau jeu.

Quant au caractère transversal de cette question, l'accord de gouvernement flamand accorde de l'attention à la prévention de la radicalisation. Il évoque la création d'une cellule regroupant des experts de divers domaines politiques afin de détecter et prévenir la radicalisation et d'y remédier. Cette cellule comporterait un point de contact central et travaillerait en collaboration avec d'autres autorités. C'est l'Agence flamande de l'Intérieur qui est chargée de la coordination de cette cellule. L'autorité fédérale joue un rôle clé en ce qui concerne l'approche proactive et le contrôle. À l'avenir, un fonctionnaire fédéral du SPF Intérieur fera également partie de cette cellule. Il s'agit dès lors d'une matière régionale transversale. Je me réfère également au plan d'action mis récemment sur pied par le gouvernement flamand en vue de prévenir les processus de radicalisation susceptibles de conduire à l'extrémisme et au terrorisme.

Je souhaiterais poser les questions suivantes :

1) Êtes-vous d'accord sur la conclusion selon laquelle la législation des États membres européens devrait être mieux harmonisée ? Pouvez-vous indiquer comment, concrètement, vous vous y prendrez au niveau de l'Union européenne ? Pouvez-vous préciser si vous entreprendrez des démarches concrètes en la matière et pouvez-vous nous fournir des précisions en ce qui concerne le calendrier et le contenu ?

2) Êtes-vous d'accord sur le constat selon lequel il faut encore faire des études au niveau européen sur les risques de contrebande d'armes et les conséquences d'attaques armées ? Dans la négative, pourquoi ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer concrètement les démarches que vous comptez entreprendre en la matière ?

3) Êtes-vous partisan d'un renforcement plus important de la directive européenne de 2017 sur les armes ? Selon le rapport évoqué précédemment, les lacunes de cette directive pemettent en effet aux criminels et aux terroristes de se procurer des armes à feu et armes de guerre. Dans la négative, pouvez-vous expliquer pourquoi, et indiquer comment vous comptez remédier aux lacunes constatées ? Dans l'affirmative, quelles lacunes doivent-elles être comblées ? Où et quand ferez-vous des propositions et lesquelles  ?

4) Disposez-vous de chiffres concrets en qui concerne la disponibilité d'armes lourdes dans notre pays ? Est-il également question, en Belgique, d'une augmentation du nombre d'armes lourdes découvertes, et pouvez-vous étayer votre réponse à l'aide de chiffres ?

5) Combien d'armes lourdes ont-elles été découvertes et/ou saisies annuellement, et ce, pour les trois dernières années ? Quelles sont les armes les plus fréquentes et combien y a-t-il d'armes de chaque catégorie ?

6) Combien de personnes ont-elles été condamnées annuellement, ces trois dernières années, pour commerce d'armes illégales ainsi que pour la détention d'armes à feu illégales ? Observe-t-on une tendance ? Pouvez-vous développer votre réponse ?

7) A-t-on déjà découvert, dans notre pays, des armes lourdes provenant d'Ukraine et/ou de Libye ? Pouvez-vous étayer votre réponse à l'aide de chiffres et fournir des explications concrètes sur le type d'armes et leur nombre ? Observe-t-on une augmentation, comme indiqué dans le rapport ?

8) Pouvez-vous indiquer si, et dans l'affirmative combien, des grenades à main ont été saisies et/ou utilisées dans notre pays ? Je souhaiterais obtenir ces chiffres pour les trois dernières années et sur base annuelle. Quel est le pays d'origine de ces grenades et quels sont les types de grenades les plus fréquents ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) Plus que jamais ces dernières années, des progrès rapides ont été accomplis dans l'harmonisation de la législation des États membres européens sur les armes à feu. Par exemple, la directive 477/91/CEE récemment modifiée, dite directive sur les armes à feu, a souvent obligé les États membres à mettre en œuvre des changements majeurs dans leur ordre juridique national en vue d'aligner les législations nationales respectives des directives européennes. On peut également se référer au règlement d'application (UE) 2015/2403 du 19/12/2015 qui, à partir du 8 avril 2016, a renforcé les normes techniques pour la désactivation des armes à feu et fixé les conditions pour un certificat européen harmonisé de désactivation. Les normes ont été encore renforcées par une meilleure mise en œuvre du règlement (UE) 2018/337 applicable depuis le 28/06/2018 afin de garantir que les armes à feu désactivées soient rendues irréversiblement inutilisables.

La Direction pour la criminalité grave et organisée (DJSOC) de la Police fédérale belge s'est fermement engagée à parvenir à une détection européenne intégrée et à la perturbation des individus et des réseaux qui permettent et facilitent la prolifération des armes à feu dans un environnement criminel et terroriste. La détention et le trafic illégaux d'armes à feu constituent aussi une priorité du Plan National de Sécurité 2016-2019. Reconnaissant et convaincue que la menace actuelle et la menace que représente le phénomène du trafic illicite d'armes à feu nécessitent une approche européenne intégrée, la police fédérale participe au projet d'Europol sur les armes à feu et les explosifs qui coordonne les enquêtes transfrontalières sur le trafic illicite d'armes à feu impliquant deux États membres ou plus. La Belgique a pris l'initiative d'établir un échange électronique d'informations, en matière de formation d'image, de détection, de privation d'avantages illégaux contribuant à une approche intégrée du phénomène.

2) Le trafic d'armes à feu et la promotion de la violence armée est un phénomène transfrontalier. Dans le contexte actuel d'une union douanière, d'un marché unique sans frontières intérieures et d'une intégration économique sans cesse croissante, une approche européenne intégrée est nécessaire. La formation d'image entoure également le phénomène, ce qui permet une approche du phénomène fondée sur l'information, et nécessite une dimension européenne.

C'est pourquoi la Police fédérale belge s'est engagée à faire partie de consortiums multidisciplinaires pour participer aux recherches européennes concernant les principaux modes de fonctionnement sur lesquels les armes à feu du circuit légal sont détournées vers les milieux criminels et terroristes. La DJSOC participe également à un projet de formation d'image sur la réactivation des armes à feu désactivées et à un projet étudiant la faisabilité d'un Centre d'excellence européen sur la lutte contre le trafic illicite d'armes à feu.

3) Comme je l'ai déjà expliqué plus haut, la mise en œuvre d'une directive beaucoup plus stricte dans les États membres de l'Union européenne bat son plein. Le principal défi consiste maintenant à consolider les résultats de ces efforts et à mobiliser les personnes et les ressources au sein de nos services répressifs pour traduire cette législation en une approche efficiente et, surtout efficace du phénomène.

4-5) Le terme " armes lourdes " ne couvre pas une allégation claire. Pour lUnited Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), le critère les armes petites et légères est le fait qu'elles soient portables ou transportables par une seule personne. De ce point de vue, les lance-roquettes portatifs, les mortiers et certainement les fusils automatiques, dans certains cas jusqu'au calibre.50, ne sont pas considérés comme des armes " lourdes ". Dans le tableau ci-dessous vous trouverez les chiffres concrets sur les armes à feu saisies dans notre pays au cours des trois dernières années (voir tableau ci-dessous). les chiffres pour 2018 n'ont pas encore été validés et consolidés et ne sont donc pas encore disponibles.

What is the total quantity of weapons seized in relation to administrative or criminal offences or unkown circumstances, found and surrendered in your country during the reporting year?

Categories of weapons

Total seized

Found

Surrendered

Remarks

Revolver

2015: 364

2016: 429

2017: 381




Pistol

2015: 554

2016: 687

2017: 747




Rifle

2015: 1529

2016: 2086

2017: 1903




Shotgun (including short shotgun)

n.a.




Machine gun

2015: 12

2016: 13

2017: 19




Submachine gun

2015: 37

2016: 13

2017: 10




Combination firearm





Other weapons; please specify





Unspecified





Total

2015: 2925

2016: 3745

2017: 3614


2015: 2761

2016: 2885

2017: 3079


6) En ce qui concerne les personnes reconnues coupables de trafic illégal d'armes et de possession illégale d'armes, il convient de se référer au ministère de la Justice.

7) Jusqu'à présent le service central DJSOC/Armes n'a pas encore été informé par les unités déconcentrées et locales de la recherche d'armes à feu d'Ukraine ou de Libye dans notre pays.

8) Les services centraux DJSOC/Armes et Terro n’ont pas de chiffres relatif à des grenades à main.