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Question écrite n° 6-2167

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Investissements en monnaies virtuelles - Augmentations de capital en monnaies virtuelles - Réglementation - Initial coin offerings (ICO - levée de fonds en cryptomonnaie)

monnaie électronique
commerce électronique
émission monétaire
émission de valeurs
criminalité informatique
Financial Services and Markets Authority
réglementation financière
abus de marché
monnaie virtuelle
Autorité européenne des marchés financiers

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1548

Question n° 6-2167 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Je me réfère à la question écrite relative aux monnaies virtuelles que j'ai posée antérieurement et à votre réponse détaillée (question écrite n° 6-1429). L'Inspection économique est depuis peu habilitée à intervenir en la matière, ce qui est évidemment positif. Une campagne d'information serait également lancée sur ce thème. Des initial coin offerings (ICO) ont déjà été organisées dans plusieurs pays. Il s'agit d'opérations de levée de fonds auprès du grand public par émission de tokens (jetons) numériques.

Quant au caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de Sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une Conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. La cybercriminalité est une des priorités transversales. Les placements en « cryptomonnaie » en font partie. Il s'agit dès lors d'une compétence régionale transversale où les Régions interviennent surtout dans le volet préventif.

Je souhaite dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Existe-t-il actuellement une réglementation spécifique en ce qui concerne le lancement d'ICO ? Dans l'affirmative, pouvez-vous l'expliquer ? Dans la négative, n'est-il pas indiqué de prévoir une réglementation afin de prévenir d'éventuelles fraudes et de favoriser les ICO régulières ?

2) Pouvez-vous indiquer si à l'heure actuelle, notre pays interdit formellement les ICO ? Dans la négative, est-il indiqué de les interdire comme le fait actuellement la Chine, ou vaut-il mieux les soumettre au contrôle de la FSMA (Autorité des services et marchés financiers) ?

3) Êtes-vous disposé à examiner avec la FSMA dans quelle mesure les ICO peuvent être lancées de manière régulière ? Pouvez-vous, le cas échéant, fournir des précisions quant au calendrier et au contenu ?

4) Pouvez-vous indiquer combien d'ICO ont été lancées dans notre pays à ce jour ? Je me réfère entre autres au Nanotec et à d'autres monnaies numériques ? J'aimerais obtenir le nombre d'ICO ainsi que les montants y afférents.

5) Ces ICO présentent-elles, selon vous, un potentiel économique et vous êtes-vous déjà concerté avec Febelfin et/ou d'autres acteurs économiques à ce sujet ? Pouvez-vous, le cas échéant, fournir des explications concrètes ?

6) Pouvez-vous préciser quand commencera la campagne d'information relative aux monnaies virtuelles et indiquer quel en sera le budget et le message ? Cette campagne portera-t-elle également sur les ICO ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

En réponse à vos trois premières questions, permettez-moi de me référer au « statement » publié le 13 novembre 2017 par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) ainsi qu’à la communication de la même date de la FSMA, dans lesquelles sont précisés les règles [1] (nationales et européennes) potentiellement applicables aux ICO, les risques importants encourus par les investisseurs et les obligations qui pourraient être imposées aux promoteurs de tokens.

Étant donné que les monnaies virtuelles ne sont pas des actifs réglementés, il est possible que ces monnaies, et leurs plateformes d’échange, soient utilisées à des fins de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, compte-tenu du caractère anonyme des transactions. C’est dans ce contexte que l’Union européenne (UE) a étendu le champ d’application de la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme aux « providers engaged in exchange services between virtual currencies and fiat currencies » et « custodian wallet providers ». À l’heure actuelle, les promoteurs de token ne tombent pas sous le champ d’application de la directive (UE) 2015/849. La directive prévoit notamment des obligations en matière d’identification des clients et de l’origine des fonds.

L'ESMA a pour le moment constaté que, en fonction de sa structuration, une ICO pourrait être soumise à différentes réglementations financières : le règlement Prospectus, la directive concernant les marchés d'instruments financiers (MiFID), la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (AIFMD), le règlement sur les abus de marché (MAR), la quatrième directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (AMLD4). Il n’est pas exclu que soient également applicables d’autres réglementations telles que les règles concernant les normes comptables, les obligations fiscales, l’argent électronique ou la réglementation prudentielle.

Le 19 janvier 2019, lESMA a remis son avis relatif aux actifs cryptographiques et aux ICO aux institutions de l’Union européenne (UE) – la Commisison, le Conseil et le Parlement. L'avis indique, d'une part, que les règles de l'UE en vigueur s'appliquent aux actifs cryptographiques dans la mesure où ils peuvent être considérés comme des instruments financiers, mais que des exigences plus spécifiques pourraient être nécessaires afin d’assurer une application effective des règles existantes. Par ailleurs, l’avis indique que si ces actifs cryptographiques ne peuvent pas être considérés comme des instruments financiers, l’absence de règles financières expose les investisseurs à des risques importants. L'ESMA est d'avis que les exigences en matière de blanchiment de capitaux (AML) devraient s'appliquer au minimum à tous les actifs cryptographiques et à toutes les activités liées aux actifs cryptographiques. Des règles de transparence suffisantes devraient s'appliquer aux risques, afin que les consommateurs puissent évaluer les risques potentiels de manière bien informée avant de procéder à des investissements dans des actifs cryptographiques. En tant que membre d’ESMA et présidente du Financial Innovation Standing Committee, la FSMA a activement participé à la préparation de cet avis.

Outre les réglementations européennes susmentionnées, les lois et le règlement suivants pourraient trouver à s’appliquer en Belgique :

le règlement de la FSMA du 3 avril 2014 concernant l'interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail. Ce règlement stipule qu’il est interdit de commercialiser en Belgique, à titre professionnel, auprès d'un ou de plusieurs clients de détail, des produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d'une monnaie virtuelle ;

la loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés et la loi du 11 juillet 2018 relative aux offres au public d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés. Ces lois rendent obligatoire l’établissement d’un prospectus soumis à l’approbation de la FSMA pour toute offre publique d'instruments de placement effectuée sur le territoire belge, prévoient un monopole d’intermédiation pour le placement d’instruments d’investissement sur le territoire belge et disposent que les communications à caractère promotionnel se rapportant à l’offre publique doivent être approuvées au préalable par la FSMA ;

la loi du 18 décembre 2016 organisant la reconnaissance et l’encadrement du crowdfunding et portant des dispositions diverses en matière de finances. Cette loi fixe les conditions d’agrément de l’activité de plateforme de financement alternatif (c’est-à-dire la variante financière du crowdfunding) de même que les règles que les fournisseurs de services de financement alternatif doivent respecter.

La FSMA participe par ailleurs aux travaux des groupes de travail de l’ESMA et de l’International Organization of Securities Commissions (IOSCO) qui analysent notamment les questions de classification et de législation applicable, afin d'arriver à une interprétation harmonisée.

À ce jour, la FSMA a identifié trente-huit ICO pouvant être associées à la Belgique. Par exemple, en raison du fait que les promoteurs du projet sont des belges ou des résidents belges, que des publicités sont publiées sur des sites web belges et / ou que des résidents belges siègent dans le comité consultatif du projet ou dans la start-up émettrice. Les ICO clôturées représentent environ un montant de 36 millions de dollars. Étant donné que de telles offres peuvent être proposées dans le monde entier via différents sites web, ces chiffres ne présentent aucune garantie en terme d’exhaustivité. Il convient de noter que la part des ICO et des actifs cryptographiques sur les marchés financiers est négligeable et qu'elles ne présentent donc pas de risque pour la stabilité financière.

Le gouvernement soutient par ailleurs par toute une série de mesures favorisant le développement des start-up ; Dans ce cadre, il a notamment contribué au lancement de la plateforme B-Hive, qui a pour objectif de placer Bruxelles et la Belgique au centre de l’échiquier européen et mondial pour les entreprises de type start-ups et scale-up qui agissent dans le domaine de la FinTech.

Les autorités de contrôle du secteur financier, la FSMA et la Banque nationale de Belgique (BNB), ont lancé conjointement un Portail Fintech depuis avril 2017, qui offre aux parties prenantes actives dans les innovations financières de tout type (y compris DLT ou blockchain) de présenter et éventuellement de soumettre un dossier. Les deux autorités de contrôle entretiennent également des contacts avec les « fintech hubs » belges (Fintech Belgium et B-Hive).

[1] https://www.fsma.be/fr/news/initial-coin-offerings-ico-la-prudence-est-de-mise ; https://www.fsma.be/sites/default/files/public/content/FR/circ/fsma_2017_20_fr.pdf ; https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-highlights-ico-risks-investors-and-firms.