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Question écrite n° 6-2091

de Lode Vereeck (Open Vld) du 10 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Technologie blockchain - Instances fédérales et services publics - Services offerts au public - Possibilités d'application - Groupe de travail transversal - État d'avancement

nouvelle technologie
traitement de l'information
application de l'informatique
administration électronique
traitement des données
informatique appliquée
chaîne de blocs

Chronologie

10/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1876

Question n° 6-2091 du 10 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Selon l'Antwerp Management School, la technologie qu'attendent les autorités, les entreprises et les citoyens est non pas l'intelligence artificielle ou l'internet des objets mais la blockchain. Il s'agit d'une technologie où les données sont stockées dans des blocs (block) et interconnectées via une chaîne (chain). Outre les données, ces blocs contiennent également des informations sur les transactions. Chaque bloc est relié au bloc précédent grâce à un algorithme mathématique complexe. Les données sont stockées sur des millions d'ordinateurs dans le monde entier et chaque ordinateur doit être « d'accord » sur la transaction. De ce fait, il est impossible de voler ou de modifier les données stockées dans la blockchain (dans l'état actuel de la technologie). Cette application est tout à fait contraire au principe du système actuel de centralisation des données, à savoir des bases de données sur un serveur central, à l'abri du monde extérieur et gérées par des organismes publics.

La Géorgie est un des premiers pays où l'autorité applique la technologie blockchain pour enregistrer les biens cadastraux. Pour y parvenir, l'Agence nationale du registre public (NAPR) devait disposer d'une infrastructure TI bien développée. Le cadastre de la Géorgie, basé sur la blockchain, est opérationnel depuis février 2017 et a déjà enregistré plus d'un million d'extraits et d'actes. Cette innovation a valu à la Géorgie, en 2017, une neuvième place au classement « Doing Business » du Groupe de la Banque mondiale. La Belgique, quant à elle, y a obtenu la cinquante-deuxième place.

L'autorité flamande et la Ville d'Anvers ont déjà annoncé vouloir réaliser, dans les années à venir, des projets concrets axés sur la technologie blockchain. Récemment, elles ont lancé « Blockchain on the Move » en vue de créer un « coffre-fort numérique » pour les citoyens, leur permettant d'effectuer des transactions sûres avec l'autorité.

Le caractère transversal de ma question vient du fait que l'approche des défis en matière de numérisation des services publics et des missions publiques est une compétence partagée entre l'autorité fédérale et les entités fédérées, entre autres à cause de la question de la vie privée et de la sécurité.

Je souhaiterais poser les questions suivantes au ministre :

1) La Belgique est toujours un peu « le petit nouveau sur la blockchain ». Selon le ministre, quelle plus-value la blockchain peut-elle offrir dans le cadre des services offerts au public ?

2) Y a-t-il des instances fédérales ou des services publics qui développent actuellement des projets spécifiques liés à l'application de la technologie blockchain ? Je souhaiterais obtenir un relevé détaillé.

3) Que pense le ministre de l'idée d'appliquer la technologie blockchain à l'enregistrement des propriétés cadastrales ?

a) Dans quel laps de temps le ministre juge-t-il possible d'appliquer cette technologie en Belgique dans la pratique ?

b) Quels problèmes et obstacles sont-ils le plus susceptibles d'entraver la concrétisation de cette application ?

4) Dans quelle mesure le ministre est-il partisan d'une politique fondée sur des évidences factuelles ? En d'autres termes, lors de l'élaboration de la politique relative à l'application de la blockchain, tient-on compte des résultats d'études scientifiques et/ou des meilleures pratiques de l'étranger ? Pourquoi ? Pourquoi pas ?

5) Dans la note de politique générale « Agenda numérique, Télécom et Poste 2018 », le ministre indique entre autres : « Il existe ainsi un groupe de travail transversal qui examine les possibilités de technologies ledger et blockchain, à côté de la demande concrète d’un SPF, de tester une technologie chatbot. » (cf. document Chambre, n°54-2708/2, pp. 12-13).

a) Qui fait partie de ce groupe de travail transversal ?

b) Je souhaiterais obtenir un état d'avancement des travaux de ce groupe de travail et de ses résultats.

6) Selon le ministre, lorsque la blockchain aura été intégrée à l'administration, le système actuel de centralisation des données appartiendra-t-il définitivement au passé, et dans tous les domaines ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) La valeur ajoutée du blockchain pour l’administration n’est en rien différente de celle constatée dans le secteur de l’économie. L’OCDE a récemment organisé un blockchain summit où les aspects suivants ont été mis en avant comme portant le plus de potentiel :

– l’identification d’une personne, d’un bien ou d’une valeur ;

– la lutte contre la fraude ;

– le commerce ;

– la traçabilité ;

– la conclusion de contrat.

Par ailleurs, la technologie de smart contract offre des possibilités d’automation.

Les administrations régulent, participent ou opèrent des processus qui entrent dans ces différentes applications. Sans préjudice d’autres technologies qui peuvent remplir les mêmes fonctions, le blockchain peut être une option qui s’impose à certains secteurs de l’économie.

2) Pour ce qui concerne le SPF Finances, nous participons à deux projets :

– consortium public-privé B-Hiveprojet en lien avec l’assurance-vie ;

– création pilote d’un réseau de consortium privé par la DG TAXUD de la commission européenne.

Et nous avons lancé une étude d’impact de la technologie blockchain dans les trois domaines que sont le supply chain, l’enregistrement des biens et la gestion de la TVA.

3) La littérature internationale a clairement démontré la possibilité d’utiliser la technologie blockchain pour la gestion d’un cadastre de parcelle, et la Géorgie a montré la voie en mettant celle-ci en œuvre.

Toutefois, il ne s’agit pas que de technologie mais aussi d’organisation. En effet, le blockchain suggère une architecture distribuée – ouverte ou privée – qui se différencie par rapport à l’enregistrement centralisé traditionnel. Il ne faut pas non plus négliger les différents métiers qui sont liés au cadastre, et notamment les notaires et les géomètres.

Le SPF veut donc disposer d’une étude d’impact, proposer des pistes au gouvernement et engager le dialogue avec les partenaires concernés.

Au titre de problème liés au blockchain, il faut noter que la Commission européenne étudie toujours la compatibilité entre cette technologie et le GDPR. Il serait maladroit de ne pas attendre cette analyse.

4) L’étude qui a été commandée par le SPF Finances contient un volet « horizon scanning » important qui alimentera le rapport de manière evidence based. Par ailleurs, le SPF suit avec attention les travaux de l’OCDE et de l’observatoire mis en place par le Commission européenne.

5) Le groupe de travail transversal et transsectoriel qui examine les possibilités de la technologie ledger et blockchain, également appelé Blockchain Coalition, se composait initialement de représentants d'Anvers, de Bruxelles (pouvoirs locaux), de la CFWB, de la Wallonie, de la Flandre (régional), de l'ASA, de la DG TD (fédéral) et des partenaires technologiques Smals, Digipolis, V-ICT-or et CIRB. Le groupe de travail a récemment été étendu à quelques administrations intéressées : Registre national, SPF Économie, SPF Finances et BNB. La composition de ce groupe de travail informel, qui se réunit plusieurs fois par année, varie en fonction des points à l'ordre du jour et de la disponibilité des participants. C'est la DG TD du SPF BOSA qui organise les réunions.

Durant sa première année, la Blockchain Coalition a travaillé, d'une part, sur une piste technologique (la possibilité de mettre en place une plateforme commune) et, d'autre part, sur l'examen transversal de tous les processus (du local au fédéral) de certains événements de vie (naissance, décès, déménagements, diplômes) afin d'examiner plus avant l'opportunité de la technologie de blockchain. Par ailleurs, la Coalition est principalement un forum où l'on échange des connaissances et expériences et où l'on envisage des collaborations sur des projets lorsque c'est pertinent. Pour chaque réunion, des minutes de réunion sont rédigées et des présentations sont disponibles.

6) Non, pas obligatoirement, car il existe des formes privées de blockchain ledger. Parmi les différentes options qui valorisent les atouts du blockchain, la DG TAXUD teste la possibilité de créer un réseau privé entre les autorités compétentes. Un peu plus largement on peut envisager un réseau entre les notaires et les autorités publiques, etc.