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Question écrite n° 6-2066

de Rik Daems (Open Vld) du 10 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Banques - Tests de résistance - Renforcement - Instance de contrôle - Transparence - Banques italiennes - Banque nationale de Belgique

Autorité bancaire européenne
établissement de crédit
banque
contrôle bancaire
banque centrale

Chronologie

10/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
21/1/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-2031

Question n° 6-2066 du 10 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Les tests de résistance pour les banques européennes doivent être organisés sur un autre modèle. Il doit y avoir, tout comme c'est le cas aux États-Unis, une relation directe entre les résultats de ces tests et les conséquences éventuelles pour les institutions individuelles. Au niveau de la réalisation du test, il faut en outre, selon Andrea Enria, président de l'Autorité bancaire européenne (ABE), travailler davantage avec des valeurs de référence pour l'ensemble du secteur.

Depuis la crise de l'endettement de 2018, les banques font tous les deux ans l'objet d'une radioscopie par l'Autorité bancaire européenne (ABE). Par conséquent, le message du président de cette instance de contrôle a du poids. Lors du discours qu'il a fait à Bucarest, Andrea Enria a encore formulé d'autres suggestions politiques. Selon lui, le principal défaut de l'approche européenne comparée à l'approche américaine, est qu'elle dissocie les résultats des tests de résistance des actions de contrôle, les premiers étant transparents et les secondes opaques. Malgré la publication de nombreuses données, cela limite la valeur informative des résultats et crée de l'insécurité en ce qui concerne la politique future en matière de dividendes.

Pour Andrea Enria, en Europe aussi, la publication des tests de résistance doit coïncider avec les mesures qui sont imposées aux banques lorsque l'autorité de contrôle les juge nécessaires. Ainsi, la banque peut se voir imposer des obligations plus importantes en matière de fonds propres ou s'entendre dire qu'elle ne peut pas distribuer de dividendes pendant une certaine période.

La seconde proposition d'Andrea Enria concernant les tests de résistance vise à ce que l'on applique davantage de valeurs de référence européennes aux banques. Actuellement, les banques font l'objet d'audits distincts basés sur des simulations pratiquement faites sur mesure (approche bottom-up), d'où la difficulté de les comparer entre elles. De ce fait, les tests font presque fonction d'outil de gestion des risques pour les administrateurs de banques, ce qui n'est pas le but.

M. Enria cite un exemple à titre d'illustration : des administrateurs astucieux sur le plan technique peuvent établir leur bilan de manière à réduire l'impact d'un test de résistance.

D'après lui, dans un premier cycle d'évaluation des derniers tests de résistance, la position financière des banques est ainsi apparue en moyenne de cent points de base plus favorable avec la méthode actuelle. Par la suite, l'ABE a durci les exigences pour l'ensemble du secteur.

En ce qui concerne le caractère transversal de cette question écrite : la politique économique est essentiellement développée par les Régions. Il s'agit dès lors d'une matière transversale régionale. Depuis le mois d'avril 2011, la législation Twin Peaks II régit le contrôle sur les banques belges. Dans ce cadre, la Banque nationale de Belgique a été chargée de la surveillance micro et macroprudentielle sur les banques belges alors que l'Autorité des services et marchés financiers (FSMA) règle le contrôle des marchés financiers, des entreprises cotées en Bourse et de la commercialisation des produits financiers.

Je souhaiterais poser les questions suivantes :

1) Pouvez-vous indiquer de manière détaillée si vous êtes d'accord avec le président de l'Autorité bancaire européenne (ABE), M. Andrea Enria, qui déclare que les tests de résistance doivent être effectués de manière beaucoup plus efficace et adéquate ?

2) Partagez-vous son point de vue sur les tests de résistance existants ? Quels défauts voyez-vous dans la méthodologie actuelle utilisée pour les tests ?

3) Pensez-vous comme le président de l'ABE que les résultats des tests de résistance et les actions de l'instance de contrôle doivent être mieux coordonnés et qu'une plus grande transparence est nécessaire pour les actions ?

4) Que pensez-vous de la critique selon laquelle des administrateurs astucieux sur le plan technique peuvent établir leur bilan de manière à réduire l'impact d'un test de résistance, et êtes-vous disposé à faire analyser cette possibilité pour ce qui est de nos institutions financières, eu égard à l'importance des conséquences ?

5) Vous êtes-vous déjà concerté avec notre instance de contrôle à ce sujet, et dans l'affirmative, avec quels résultats ? Dans la négative, pourquoi, et allez-vous bientôt le faire ?

6) Que pensez-vous de la position de M. Enria selon laquelle la publication des tests de résistance doit coïncider avec les mesures imposées aux banques lorsque l'instance de contrôle les juge nécessaires ?

7) Que vous inspire, à vous ou à l'instance de contrôle, la suggestion de M. Enria quant à la nécessité de travailler beaucoup plus à des valeurs de référence européennes ? Quelles sont les valeurs de référence existantes ? Quelles autres possibilités entrevoyez-vous pour rendre les résultats comparables ?

8) Reconnaissez-vous également qu'un contrôle sain du secteur bancaire est d'autant plus important en raison de la réduction des risques souhaitée et de la situation précaire du secteur bancaire en Italie ?

9) Pouvez-vous indiquer quelle est l'exposition de nos banques au secteur bancaire italien et pouvez-vous fournir des chiffres et des précisions, tant pour les institutions individuelles que pour l'ensemble des banques ?

10) Etes-vous conscient, comme l'est Andrea Enria, du risque que présentent les banques qui minimisent les résultats des tests de résistance en établissant leur bilan d'une certaine manière ? Comment lutte-t-on contre les pratiques de ces banques et comment peut-on les limiter, selon vous ?

11) Quelles démarches l'autorité nationale de contrôle (la Banque nationale de Belgique) et vous-même entreprenez-vous pour que les tests de résistance deviennent plus efficaces ? Êtes-vous disposé à discuter les suggestions d'Andrea Enria au niveau de l'Union européenne et pouvez-vous fournir des précisions très concrètes en matière de contenu et de calendrier ?

Réponse reçue le 21 janvier 2019 :

Questions 1), 2) & 11) Les tests de résistance de l’ABE sont effectués selon une approche ascendante « bottom-up » circonscrite. En d’autres termes, les banques sont elles-mêmes chargées des projections de leur structure capitalistique, mais en tenant compte à cet égard d’un certain nombre de restrictions dans la méthodologie. De telles restrictions doivent garantir une rigueur suffisante de la part des banques dans leurs projections et la comparabilité des résultats entre les banques. L’intérêt de la comparabilité ne dépend pas seulement de l’input fourni par les banques, mais également du contrôle de qualité effectué par les différentes instances européennes de contrôle, ce qui rend l’exercice à la fois très complexe et parfois moins informatif.

Solutions aux problèmes évoqués spécifiquement par Andrea Enria dans son discours :

– il pourrait être remédié au problème inhérent au manque de valeur informative des tests de résistance, lequel est lié à des restrictions irréalistes, en autorisant les banques à ajuster les projections des tests de résistance qui sont déterminées par des valeurs historiques. De tels ajustements seraient judicieux lorsque des restructurations ont eu lieu qui biaisent le caractère représentatif de ces valeurs historiques. En pareil cas, il faudrait toutefois veiller à ce que les projections sur la base de restrictions plus réalistes (ou en l’absence de restrictions) ne se traduisent pas systématiquement par de moins bons résultats des tests de résistance (ratio CET1) que les projections sur la base de valeurs historiques ;

– il pourrait être remédié au problème des instructions complexes et des demandes inopinées de données qui sont adressées aux banques, en veillant à clarifier davantage la méthodologie des tests de résistance de l’ABE et à simplifier davantage les modèles de données. Une communication efficace sur la date de clôture de la période d’assurance qualité pourrait également aider les banques à mieux planifier l’affectation de leurs ressources.

D’autres solutions pour améliorer la valeur informative et les aspects méthodologiques des tests de résistance sont décrites ci-dessous aux points 2 et 4.

Questions 3) & 6) La transparence des actions de contrôle (et l’absence de synchronisation de ces actions avec la publication des résultats des tests de résistance) dépend de la situation. Lorsque le ratio CET1 final d’une banque se révèle « trop bas », les instances de contrôle prendront immédiatement des actions transparentes (ou contraindront la banque à le faire). Le cas de Monte Paschi en est un bon exemple : le ratio CET1 s’était révélé négatif pour le scénario défavorable du test de résistance de 2016, et la banque avait aussitôt procédé à une nouvelle levée de fonds propres et avait écoulé des crédits toxiques avant la publication des résultats.

Lorsque le ratio CET1 final d’une banque est « satisfaisant », l’impact des résultats du test de résistance sur les exigences en matière de fonds propres réglementaires totaux est moins manifeste pour le marché, et n’est communiqué qu’ultérieurement à la banque. Ce délai s’explique par les calendriers respectifs du test de résistance de l’ABE et du processus de surveillance et d'évaluation prudentielles de la BCE / du MSU (ECB/SSM Supervisory Review and Evaluation Process – SREP). De nombreux efforts ont déjà été fournis pour faire coïncider ces calendriers et ainsi réduire le délai entre la publication des résultats du test de résistance de l’ABE et les actions de contrôle de la BCE / du MSU par le biais du SREP, mais il faudrait envisager des mesures supplémentaires.

Le manque de transparence concernant l’impact des résultats des tests de résistance découle également de la décision de la BCE / du MSU de ne pas publier les exigences en matière de fonds propres réglementaires totaux. Il n’en reste pas moins que lorsqu’une banque annonce une baisse des dividendes, il peut s’agir d’un signe qu’elle ne peut pas satisfaire ou que marginalement à la recommandation minimale en matière de distribution des dividendes, ce qui accroît de facto la transparence des résultats du test de résistance.

Questions 4), 5) & 10) Dans son discours, Andrea Enria a déclaré que l’impact du scénario défavorable lors du premier cycle d'évaluation du test de résistance de 2018 était plus favorable de cent points de base en moyenne par rapport aux résultats de l’assurance qualité effectuée a posteriori. Cette constatation prouve bel et bien que la première ligne de défense pour éviter des résultats faussés par les banques reste une assurance qualité menée de manière approfondie et intègre par les autorités compétentes. Par ailleurs, il conviendrait d’envisager les solutions suivantes afin d’empêcher les banques de fausser les résultats des tests de résistance lors des exercices à venir :

– au lieu de s’appuyer sur les projections des banques (approche « bottom-up »), on pourrait plutôt se baser sur les estimations des instances de contrôle (approche « top-down ») pour certains secteurs à risque ou portefeuilles sélectionnés pour lesquels les autorités compétentes ont développé des modèles adéquats ;

– on pourrait en outre rendre le processus d’assurance qualité moins prévisible, afin que les banques puissent moins facilement fausser les résultats. En effet, il existe bien assez d’éléments prouvant que les banques ont non seulement tenté de fausser la méthodologie des tests de résistance, mais également les divers critères utilisés dans le cadre de l’assurance qualité ;

– on pourrait enfin infliger une sanction (par exemple sous la forme d’un score SREP plus élevé) aux banques qui ont obtenu des résultats trop faibles lors du premier cycle d’évaluation.

Il n’est pas certain que la proposition à moyen terme d'Andrea Enria, à savoir un test de résistance « bottom-up » se basant sur peu de restrictions, moins de données granulaires et une méthodologie moins détaillée, puisse apporter une réponse au problème des résultats faussés par les banques. En effet, un tel test de résistance ressemblerait fortement au test de résistance organisé en 2011 au niveau de l’UE, qui avait essuyé les critiques tant des décideurs politiques que des opérateurs économiques, car il n’avait pas donné de résultats fiables.

Question 7) À l’heure actuelle, il existe des évaluations « top-down » (valeurs de référence) pour tous les types de risques, lesquelles s’adressent toutefois davantage aux secteurs à risque comme les risques de crédit et de taux. L’étude réalisée par Stéphane Dees, Jérôme Henry et Reiner Martin (2017) fournit, par exemple, des informations détaillées sur les divers modèles « top-down » utilisés par la BCE pour l’assurance qualité des résultats des tests de résistance des banques de la zone euro.

Grâce au développement plus approfondi des techniques économétriques et à la disponibilité accrue de données détaillées pour certains secteurs à risque (par exemple par le biais du registre de crédit paneuropéen, AnaCredit), les évaluations « top-down » prendront assurément de plus en plus d’importance dans les années à venir. Il faut toutefois considérer le développement de telles évaluations comme un processus de longue durée, lequel devra se baser sur des modèles existants (par exemple l’étude de Dees et al. pour la zone euro) et établir, autant que faire se peut, des synergies avec des méthodes d’assurance qualité existantes. Il faudrait en outre une coordination appropriée au niveau de l’UE.

Questions 8) & 9) L’exposition des banques belges (crédits / titres de créance) au secteur bancaire italien est limitée par rapport à leur exposition dans d’autres pays. Le graphique suivant, tiré du Financial Stability Report 2018 de la BNB (p. 60), permet de l’illustrer :

L’exposition au secteur bancaire italien (et à celui de la plupart des pays) a continué de diminuer entre 2007 et 2017, conformément à la réduction de la dette et des risques dans les principales banques.

Le tableau ci-dessous ventile l’exposition des banques belges au secteur bancaire italien par type d’emprunteur (de plus amples informations pour chaque banque sont disponibles dans les résultats de l’exercice de transparence au niveau de l’UE, publiés le 14 décembre 2018 par l’ABE)[1] :


Italie 2017-IV

Italie 2018-II

Institutions de crédit

1,7

1,8

Secteur public

8,7

7,2

Institutions financières non bancaires

0,6

0,5

Entreprises non financières

3,4

2,7

Ménages

0,1

0,9

Autre

3,1

3,3

Total

17,7

3,3

Remarque : tous les chiffres sont en milliard d'euros.

[1] https://eba.europa.eu/risk-analysis-and-data/eu-wide-transparency-exercise/2018/results.