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Question écrite n° 6-1977

de Lode Vereeck (Open Vld) du 3 octobre 2018

au vice-premier ministre et ministre de l'Emploi, de l'Economie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur

Licenciement - Motivation de l'employeur - Délai - Différence entre licenciement pour motif grave et licenciement sans motif grave - Insécurité juridique - Contestations - Nombre

licenciement
convention collective
statistique officielle

Chronologie

3/10/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 1/11/2018)
10/1/2019Rappel
8/4/2019Réponse

Question n° 6-1977 du 3 octobre 2018 : (Question posée en néerlandais)

Lorsqu'un employeur belge licencie un travailleur pour motif grave, il doit respecter un double délai. Sous peine de nullité, il doit dénoncer le contrat dans les trois jours qui suivent le moment où il a eu connaissance du motif grave. Commence ensuite un nouveau délai de trois jours dans lequel l'employeur doit motiver sa décision afin que le travailleur puisse avoir connaissance du motif spécifique de la rupture du contrat de travail.

Cette disposition n'est toutefois pas applicable lorsqu'il n'est pas question d'un motif grave. Conformément à la convention collective de travail (CCT) n° 109 relative à la motivation du licenciement, l'employeur n'a, en principe, aucune obligation de motiver le licenciement. Le travailleur peut toutefois le demander par lettre recommandée. Dans ce cas, l'employeur dispose de deux mois pour y donner suite.

Le caractère transversal de ma question s'explique par le fait qu'un licenciement n'a pas seulement des incidences au niveau fédéral, du fait que l'Office national de l'emploi (ONEM) assure une protection sociale pour la période concernée en tenant compte du motif du licenciement. Certains organismes régionaux tels que l'Office flamand de l'emploi et de la formation professionnelle (VDAB) ont pour mission d'améliorer les chances de remise au travail. Par conséquent, pour de nombreux acteurs et pour les travailleurs concernés, le motif de licenciement est d'une importance capitale si on veut assurer une circulation optimale du travail.

Je souhaite poser les questions suivantes au ministre :

1) Étant donné que le motif du licenciement est connu au moment du licenciement proprement dit, on ne voit pas clairement pourquoi il y a une différence de délai en ce qui concerne la motivation du licenciement pour motif grave et celle du licenciement sans motif grave. De plus, l'employeur n'a aucune obligation de motiver le licenciement lorsqu'il a été signifié pour une autre raison que le motif grave.

a) Quelle est la raison d'être du délai de deux mois visé à l'article 5 de la CCT n° 109 ?

b) Ce délai n'entraîne-t-il pas inévitablement une insécurité juridique pour la personne licenciée, ce que la CCT veut précisément éviter ?

c) Le ministre peut-il souscrire au principe selon lequel un motif de licenciement est toujours urgent pour une personne qui a été licenciée ?

2) Est-il exact que les contestations en matière de licenciement (sans motif grave) ont diminué depuis l'introduction de la convention collective de travail relative à la motivation du licenciement ?

Combien de contestations (devant les tribunaux) dénombre-t-on annuellement par province belge depuis 2014 ?

Réponse reçue le 8 avril 2019 :

En droit du travail belge, la validité d’un licenciement n’est pas subordonnée à l’indication d’un motif, sauf en cas de licenciement pour motif grave. Toutefois, pour les congés donnés ou notifiés à partir du 1er avril 2014, le travailleur a le droit de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement, suite à la CCT n° 109.

Il est vrai que des délais différents s'appliquent à cet égard selon que le licenciement a été opéré pour motif grave ou non. Cette différence s'explique par la nature de la forme de licenciement.

En cas de licenciement pour motif grave, la relation de travail est résiliée avec effet immédiat, sans délai de préavis ni indemnité tenant lieu de préavis. La loi décrit le motif grave comme toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur. Le motif grave doit nécessairement porter sur une faute qui est à ce point grave qu’elle rompt immédiatement et irrévocablement la relation de confiance entre l’employeur et le travailleur. Le fait qu’une relation de travail ne peut plus être poursuivie, même pour une brève période, est essentiel pour l’appréciation du motif grave. En raison du fait que, lorsqu'un motif grave est invoqué, le contrat de travail est résilié avec effet immédiat sans qu'aucune indemnité ne soit due, des délais très courts s'appliquent en ce qui concerne la notification à l'autre partie des faits sur la base desquels le congé pour motif urgent est donné.

Dans le cas d'un licenciement ordinaire, les choses sont différentes. Dans ce cas, la partie donnant congé doit notifier un délai de préavis à l'autre partie dans les conditions prévues par la loi, à défaut de quoi elle lui est redevable d’une indemnité compensatoire tenant lieu de préavis. Pour être valable dans ce cas, il n'est pas nécessaire que le licenciement soit spontanément motivé dès le début. Toutefois, en cas de licenciement par l'employeur, l'employé a le droit de connaître la raison qui a conduit à son licenciement. La CCT n° 109 fixe les modalités à cet égard. Ce n'est que lorsque le travailleur en fait la demande à l'employeur que ce dernier est tenu d'informer le travailleur des motifs du licenciement. Le travailleur a donc le choix de demander ou non à l'employeur les motifs de son licenciement. Si le travailleur souhaite exercer ce droit, il doit adresser sa demande à l'employeur dans un délai de deux mois après la fin du contrat de travail, lorsque le contrat est résilié sans respecter un délai de préavis. Lorsque le contrat a été résilié par l'employeur moyennant un délai de préavis, le travailleur doit adresser sa demande dans les six mois suivant la notification du préavis, sans toutefois pouvoir dépasser deux mois après la fin du contrat de travail.

La CCT n° 109 est un régime qui a été élaboré dans le cadre du statut unique entre ouvriers et employés. L'objectif de cette convention collective est d'éliminer la différence de traitement entre les ouvriers (qui pouvaient auparavant faire appel au régime du licenciement abusif) et les employés (qui ne pouvaient auparavant invoquer que la théorie de droit commun de l'abus de droit). Dans ce contexte, la CCT n° 109 comporte deux lignes de force. D'une part, la convention collective introduit le droit pour chaque travailleur qui entre dans son champ d'application de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement. D'autre part, la même convention collective établit un droit pour le travailleur d’obtenir une indemnisation si son licenciement est manifestement déraisonnable. Le droit d'invoquer les motifs du licenciement doit donc se comprendre en fonction de la possibilité pour le travailleur de réclamer une indemnité supplémentaire en cas de licenciement manifestement déraisonnable.

Je ne partage pas l'avis selon lequel notre droit de licenciement entraînerait une incertitude juridique à cet égard, même au contraire. La CCT n° 109 a mis fin à une controverse qui a fait rage depuis longtemps dans notre droit du travail. Le fait que cette convention collective applique des modalités différentes de celles applicables en cas de licenciement pour motif grave est logique, puisque les deux formes de licenciement ne peuvent être comparées.

En outre, il n'est pas possible de vérifier s'il y a eu moins de litiges en matière de licenciement depuis l'introduction de la CCT n° 109, car il n'existe pas de statistiques sur le nombre d'affaires portées devant les tribunaux du travail dans ce domaine.