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Question écrite n° 6-1965

de Christophe Lacroix (PS) du 25 septembre 2018

à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Boissons énergisantes - Vente aux mineurs - Problèmes de santé potentiels - Interdiction ou limitation éventuelles - Mesures envisagées

boisson non alcoolisée
tranquillisant
boisson gazeuse
santé publique
jeune
minorité civile
toxicomanie
autorisation de vente

Chronologie

25/9/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 25/10/2018)
8/1/2019Réponse

Question n° 6-1965 du 25 septembre 2018 : (Question posée en français)

Le gouvernement britannique va interdire les boissons énergisantes aux enfants et adolescents de seize ou dix huit ans (cette question reste posée).

Selon certaines sources d'information, les boissons énergisantes étant moins chères que les autres sodas en Angleterre, leur consommation serait de 50 % supérieure à celle observée dans les autres pays européens.

L'interdiction vise principalement une diminution de l'obésité infantile qui serait en partie causée par ces produits.

En outre, l'obésité ne serait pas le seul danger pour la santé de ces boissons énergisantes.

Si boire une canette de temps en temps ne poserait pas de problème pour la santé, on note cependant que la consommation chez les jeunes de ce type de boisson est souvent excessive et conjuguée avec de l'alcool en soirée. On pourrait craindre dès lors des troubles cardio vasculaires, comme de l'hypertension, des palpitations, voire un arrêt cardiaque.

De plus, la consommation de ces boissons peut entraîner un état de dépendance : l'ingestion d'un mélange de boisson énergisante et d'alcool libère de la dopamine - une hormone du bonheur - en très grande quantité, ce qui provoque un état d'euphorie proche de ceux amené par la prise de drogue.

Pour limiter la surconsommation de caféine, un règlement européen impose qu'un avertissement soit inscrit sur toutes les boissons contenant un taux de caféine supérieur à 150 mg par litre. À titre d'exemple, une cannette de 250 ml de la boisson Red Bull contient 80 mg de caféine, c'est à dire 320 mg par litre. On peut donc y lire : " Teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes. À consommer avec modération. "

Dans notre pays, aucune mesure d'interdiction de vente aux mineurs n'est prévue par le législateur. Mais il existe un code volontaire dans le secteur du commerce agroalimentaire déconseillant la vente des boissons énergisantes aux enfants de moins de douze ans.

La consommation de ces boissons est importante dans notre pays selon des observateurs du monde médical, et certains estiment que la Belgique - ou mieux, l'Europe - devrait prendre une disposition comparable à celle que les Britanniques s'apprêtent à prendre.

Cette question relève bien de la compétence du Sénat du fait de sa transversalité : le niveau fédéral est compétent pour les mesures de santé publique et les entités fédérées pour le volet prévention.

Obésité, problèmes cardiaques, dépendance, … Les risques pour la santé associés à ces boissons sont nombreux.

Disposez vous d'informations complémentaires par rapport à ce dossier ? Des mesures sont elles envisagées au niveau fédéral ? Des contacts sont ils pris avec les différents niveaux de pouvoir ?

Réponse reçue le 8 janvier 2019 :

Je ne suis actuellement pas favorable à prendre des mesures de restriction visant la vente aux enfants de moins de seize ans ou dix-huit ans de ce type de produits. Comme pour les autres produits alimentaires, c’est la consommation excessive de ce type de produits qui peut poser problèmes. Pour une consommation modérée, il n'y a pas de risque particulier. Les données de consommation disponibles ne montrent pas d’habitude de consommation qui serait problématique (voir ci-dessous). D’autre part, les mesures légales actuelles sont suffisamment protectrices de la santé des consommateurs, y compris la santé des mineurs (voir ci-dessous).

Les données officielles disponibles ont été fournies par la dernière enquête de consommation alimentaire qui a été réalisée de 2014 à 2015. Il est peu probable qu’elles aient fortement évolué depuis lors.

Ces données ont montré que 62,6 % des quatorze à dix-sept ans ont déclaré ne jamais consommer de boissons énergisantes, 26,3 % moins d’une fois par semaine, 3,7 % une fois par semaine, 5,2 % de deux à quatre fois par semaine, 0,7 % de cinq à six fois par semaine et 1,5 % plus d’une fois par jour.

L’opinion scientifique de l’EFSA (Autorité alimentaire européenne) de 2015 a conclu, sur base d’une évaluation des risques, que des ingestions habituelles de caféine jusqu’à 5,7 mg par jour et par kg de poids corporel n’ont aucun effet néfaste pour la santé pour tous les groupes d’âges, y compris les enfants.

L’enquête de consommation alimentaire a montré que cette limite fixée par l’EFSA ne serait dépassée que pour 0,04 % des trois à neuf ans et pour 0,086 % des dix à dix-sept ans.

Elle a également montré que la contribution moyenne des boissons énergisantes à l’exposition de la population entière à la caféine ne serait que de 1,2 %, alors que les soft drinks traditionnels seraient les plus gros contributeurs à raison de 20,8 %.

La contribution de la sous-catégorie « boissons énergisantes » à l’apport en sucres totaux est quant à elle, de 0,5 %, ce qui correspond à une part relativement faible.

Pour le moment, je suis d’avis que les mesures réglementaires suivantes protègent suffisamment la santé de la population des risques liés à une consommation excessive en caféine. La situation belge n’est pas comparable à celle du Royaume Uni

Au niveau belge, la teneur maximale en caféine dans les boissons énergisantes est fixée légalement à 320 mg par litre afin de limiter les risques liés à une possible surconsommation. Les extraits de plantes apportant de la caféine sont également pris en compte dans cette limite.

Un projet d’arrêté ministériel a été élaboré par le service public fédéral (SPF) Santé en vue de limiter la quantité de caféine dans les compléments alimentaires à 80 mg parjour. Cette limitation vise à éviter la surconsommation de caféine via les « shots », qui sont des boissons concentrées en caféine prisées par les jeunes. J’ai approuvé cet arrêté récemment et il entrera en vigueur tout prochainement.

Au niveau européen, le règlement (EC) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires prévoit pour les boissons énergisantes contenant plus de 150 mg par litre, la mention sur l’étiquette de la teneur en caféine et de l’avertissement suivant : « Teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes ».

Mais des mesures volontaires peuvent compléter le dispositif légal et contribuer à prévenir les problèmes.

Des mesures de prévention et de sensibilisation visant à réduire l’impact des maladies non transmissibles, telles que l’obésité et les maladies cardiovasculaires, qui peuvent être causées par une mauvaise alimentation, ou l’impact de la consommation d’alcool, peuvent être très utiles. Comme vous le savez, ces mesures relèvent de la compétence des entités fédérées.

En ce qui concerne mes actions au niveau fédéral, j’ai convenu avec les secteurs de l’industrie alimentaire et de la grande distribution en 2016 qu’ils diminuent les quantités de sucres et de graisses dans leurs produits y compris dans les boissons rafraîchissantes. Fin août dernier, l’industrie a présenté les premiers résultats de ces efforts de reformulation et ils sont encourageants : pour les soft drinks, on enregistre une baisse moyenne de 7,12 % des sucres consommés grâce notamment au fait que les Belges optent pour les boissons non-sucrées.

Très récemment, j’ai décidé d’adopter le « Nutri-Score » comme système d’information nutritionnelle volontaire sur les produits alimentaires. Plusieurs groupes de distribution et de fabricants se sont montrés vivement intéressés, et certains ont déjà décidé de l’appliquer. Ce système permet d’obtenir un score global en rapport avec la valeur nutritionnelle d’un produit alimentaire donné. Le calcul de ce score tient compte d’éléments positifs telles que par exemple les teneurs en fruits, légumes, légumineuses, fibres, …, et d’éléments négatifs telles que les teneurs en sucres, graisses et sel. En fonction du résultat obtenu, le produit reçoit un code de couleur. Le vert foncé correspond à la lettre A, le vert clair à B, le jaune à C, l’orange clair à D et enfin, l’orange vif à E. Les produits verts sont les plus équilibrés tandis qu’on conseille de limiter la consommation des oranges vifs. Je suis convaincue que l’application du « Nutri-Score » donnera une impulsion significative vers l’amélioration supplémentaire de la composition nutritionnelle des produits sur le marché, y compris pour ce type de boissons, et / ou vers une modification des habitudes de consommation. La prochaine étape sera d’obtenir une harmonisation au niveau européen, avec le concours de la Commission européenne.