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Question écrite n° 6-1911

de Simone Susskind (PS) du 27 juin 2018

au secrétaire d'État au Commerce extérieur, adjoint au ministre chargé du Commerce extérieur

Myanmar - Population Rohingyas - Violations des droits de l'homme - Respect - Relations économiques avec le Myanmar- Approche différente selon les Régions - Concertation - Code de conduite éventuel

Birmanie/Myanmar
droits de l'homme
Amnesty International
discrimination ethnique
commerce extérieur

Chronologie

27/6/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 26/7/2018)
15/7/2018Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-1945

Question n° 6-1911 du 27 juin 2018 : (Question posée en français)

Depuis des mois, les persécutions et exactions dont font l'objet les Rohingyas au Myanmar nous remplissent d'effroi.

Dans son rapport 2017/2018, Amnesty International établissait que la situation en matière de droits humains s'est fortement dégradée :

- 655 000 Rohingyas ont fui au Bangladesh, pays frontalier, pour échapper aux crimes contre l'humanité commis dans l'État d'Arakan ;

- ceux qui n'étaient pas partis restaient soumis à un système constituant une forme d'apartheid : l'armée a commis des violations des droits humains massives contre des civils appartenant aux minorités ethniques, les soumettant notamment à des exécutions extrajudiciaires et à d'autres homicides illégaux, à des disparitions forcées, à des détentions arbitraires, à des actes de torture, à des viols massifs et à d'autres mauvais traitements, ainsi qu'au travail forcé ;

- l'armée a commis de graves violations du droit international humanitaire : les autorités ont continué de restreindre l'accès de l'aide humanitaire aux populations démunies à travers le pays ;

- la liberté d'expression demeurait soumise à des restrictions ;

- l'intolérance religieuse, notamment à l'encontre des musulmans, s'est accrue ;

- l'impunité était toujours de mise pour les atteintes persistantes aux droits humains et pour celles commises par le passé.

Il fut dès lors établi par Amnesty International que " l'armée, qui travaillait souvent main dans la main avec la police des frontières et avec des milices locales, a tué un nombre indéterminé de femmes, d'hommes et d'enfants rohingyas, soumis à la torture et à d'autres mauvais traitements - notamment des viols et d'autres formes de violence sexuelle - des femmes et des filles rohingyas, posé des mines terrestres et incendié des centaines de villages rohingyas dans le cadre d'une campagne qualifiée par le haut commissaire aux Droits de l'homme de l'ONU d'" exemple classique de nettoyage ethnique ". Les agissements des forces de sécurité ont constitué des crimes contre l'humanité ".

Le gouvernement du Myanmar a rejeté les accusations de violations des droits humains et n'a tenu aucun compte des appels qui ont été lancés pour que des enquêtes soient menées et que les responsables aient à répondre de leurs actes.

Face à cette situation, de nombreux parlementaires fédéraux et régionaux ont marqué leur volonté d'agir. Des actions sont possibles à notre niveau ; ainsi la Région de Bruxelles Capitale a décidé d'annuler sa participation à la mission économique au Myanmar de novembre 2017. L'effet de cette décision fut cependant moins probant dans la mesure où les autres Régions belges et l'autorité fédérale ont maintenu leur participation à cette mission économique.

Il y a dès lors une certaine incohérence de la Belgique à ce niveau qui amoindrit notre crédibilité pour réclamer des avancées en termes de droits humains dans les pays avec lesquels nous faisons du commerce.

À cet égard, le site de l'Agence wallonne à l'exportation (Awex) présente encore le Myanmar de manière élogieuse sur son site Internet : " Après un demi siècle d'isolement et de sanctions internationales, le Myanmar s'est progressivement ouvert sur le monde depuis près de cinq ans, ce qui a engendré une croissance économique entre 5 et 7 % sur cette même période. Le dynamisme des secteurs du oil & gas, des télécommunications et de la construction alimentent une croissance soutenue, dont le taux pour les deux prochaines années est estimé à plus de 8 %. La relative stabilité économique et politique, l'afflux d'investissements étrangers, les reformes en cours du secteur bancaire, financier et de l'environnement juridique des affaires, la création de zones économiques spéciales (SEZ - Special Economic Zones), le développement du tourisme sont autant de facteurs contribuant à un contexte économique favorable. "

Face à une telle situation de violation continue des droits humains et d'épuration ethnique, pouvez vous prendre l'initiative d'une concertation avec les trois Régions du pays ?

Cela permettrait à notre pays de prendre des mesures efficaces et respectueuses des droits humains dans le domaine du commerce extérieur afin d'inciter le gouvernement du Myanmar à réagir. L'objectif poursuivi devrait être de mettre un terme à des pratiques que nous ne pouvons cautionner.

L'autorité fédérale et les Régions ne devraient elle pas établir un code de conduite en la matière qui s'appliquerait systématiquement face à de telles situations ?

Réponse reçue le 15 juillet 2018 :

Cette matière relève des compétences du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes.

Je vous remercie pour cette question qui me permet de vous exposer les actions du SPF Affaires étrangères en matière de défense et promotion des droits de l’Homme dans les pays tiers.

Je partage votre analyse en ce qui concerne la situation des droits humains au Myanmar. La Belgique n’a pas manqué d’exprimer ses inquiétudes à cet égard que ce soit dans les fora multilatéraux comme le Conseil des droits de l’Homme dans lequel nous sommes encore intervenus à ce sujet lors de la 38e session en juin/juillet de cette année, ou à titre bilatéral comme nous l’avons fait auprès de l’Ambassadeur basé à Bruxelles il y a quelques semaines encore.

C’est aussi et surtout dans le cadre de la politique de l’UE que la Belgique inscrit son action. Les Ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont adopté ces derniers mois en différentes occasions des conclusions particulièrement fortes sur le Myanmar. En février 2018, l’Union européenne, tout en condamnant les violences, appelait les autorités birmanes à mettre fin à cette crise en prenant les mesures nécessaires. Dans ces mêmes conclusions, l’Union européenne réduisait au strict minimum sa coopération dans le domaine de la défense ; de plus, la Haute Représentante était invitée à proposer des mesures restrictives ciblées (sanctions) contre les militaires responsables d’abus de droits de l’homme, et ce quelques mois après avoir déjà suspendu ses contacts avec le Chef de l’armée et d’autres hauts gradés. Le 25 juin, 7 hauts officiers birmans ont ainsi été identifiés et sont désormais sujets à ces sanctions de la part de l’Union européenne. Il va de soi que la Belgique a activement participé à ces débats et qu’elle soutient l’ensemble des mesures prises.

En ce qui concerne spécifiquement la mission économique à laquelle vous faites référence, l’Ambassade de Belgique à Bangkok a joué son rôle de soutien habituel auprès des représentants du FIT et de l’AWEX lors de la préparation de cette mission. Suite aux développements dans le pays et en particulier dans l'État de Rakhine, il a toutefois été décidé de l’annuler.

Votre question me permet d’aborder l’importante question du lien entre intérêts économiques, entreprises et droits de l’Homme, un sujet qui est au cœur de nombreuses discussions tant aux Nations Unies qu’au sein de l’UE et dans lesquelles la Belgique est activement engagée.

Dans le cadre du plan d’action national « entreprises et droits de l’Homme » de la Belgique -adopté en juin 2017- le SPF Affaires étrangères s’engage justement à créer un meilleur environnement pour mieux coordonner les actions à ce sujet aux différents niveaux de pouvoir et entre les différents intervenants belges. Dans ce cadre nous avons organisé un séminaire sur la question le 6 juillet dernier, séminaire auquel les entités fédérées étaient toutes invitées.

Par ailleurs, notre SPF s’est aussi engagé à intégrer un volet « droits de l’Homme » dans le cadre des missions économiques princières.

Ces différentes actions ont entre autres pour objectif de stimuler la réflexion sur plus de cohérence dans nos politiques et pratiques, mais in fine prévaut le respect de la répartition des compétences et notre rôle se limite à celui de facilitateur. Bien entendu, mes services et moi-même restons à la disposition des entités fédérées pour échanger nos idées et nos informations.